La très haute altitude

Par « Très haute altitude », j’entends… 5, 6, voire 7000 mètres ou plus. On sort des Alpes, et même à priori d’Europe (à part l’Elbrouz), pour se tourner vers les Andes, l’Himalaya, ou quelques autres sommets du monde. Quelle préparation demande un raid dans ce genre d’endroits ?

Je dois préciser que j’écris ces lignes sur la base d’une expérience réelle mais assez limitée : deux voyages au Pérou et en Bolivie, pendant lesquels je fus en haute montagne durant environ 12 semaines.

Les effets de l’altitude

J’ai cru constater que jusqu’à 6500 mètres elle ne constitue pas encore un obstacle insurmontable si on procède comme il faut, en soignant son acclimatation qui devra évidemment être étalée sur une plus longue durée que pour un 4000.

Préparer son acclimatation avant le départ sur des montagnes de moindre altitude (genre : aller faire un p’tit Mont Blanc avant de partir) n’est jamais inutile, mais je ne suis pas sûr que ça apporte énormément : on reste assez éloignés des altitudes finales à atteindre, et sur place, l’altitude moyenne des régions entourant les grands sommets est souvent élevée (exemple : l’altiplano à 4000 mètres, les plateaux himalayens à 4500m). On s’y acclimatera donc rapidement et facilement, en se contentant de vivre normalement. Mais je ne veux pas vous décourager de faire une belle virée, hein, c’est toujours ça de pris sur la vie !

L’importance des dénivelés

Au Pérou, les dénivelés à parcourir pour atteindre des sommets de 6000 mètres sont comparables au dénivelé de la voie des grands Mulets (à pieds depuis en bas, sans utiliser le téléphérique) au Mont Blanc.

  Départ Sommet Dénivelé
Mont Blanc 1000 4800 3800
Huascaran 3000 6800 3800

Donc : si vous êtes parfaitement acclimaté à 6000 mètres, vous ne peinerez pas plus pour le Huascaran que pour le Mont Blanc.

L’approche

PAR CONTRE, les approches sont souvent beaucoup plus longues. Les sommets alpins ne nécessitent jamais plus d’une journée d’approche, et il s’agit le plus souvent de quelques heures. Dans les Andes, l’approche commence à la route la plus proche, qui est parfois à 30 ou 40 km du sommet en question. Il y a donc une dimension horizontale à ajouter, qui demande facilement 1 ou 2 jours avent d’entrer dans le vif du sujet. En Himalaya, que je ne connais pas, on passe à des durées de plusieurs jours voire plusieurs semaines.

Le phénomène glaciaire surdimensionné

Tant qu’on n’est pas sur un terrain glaciaire, on n’a pas toujours l’impression d’être en haute montagne, et effectivement si le terrain n’est pas trop incliné, en l’absence de glacier les risques objectifs sont très inférieurs. Il est donc intéressant d’estimer le temps et le dénivelé durant lequel on est en terrain glaciaire.

En ce qui concerne les Andes, les grands sommets sont situés à proximité de l’équateur (donc relativement chauds), ou dans des régions à très faible pluviométrie. A part l’exception du sud chilien, le phénomène glaciaire est donc relativement limité. Disons que par exemple, en cordillère blanche, les glaciers des sommets de 6000 mètres ne sont pas plus vastes et ne descendent pas plus bas (en valeur relative) que pour les grands sommets alpins. On peut ainsi avoir des itinéraires glaciaires plus courts sur des grands sommets andins que dans les Alpes.

  Altitude d’arrivée sur glacier Sommet Dénivelé glaciaire
Mont Blanc par grands Mulets 2500 (jonction) 4800 2300
Huascaran 5000 6800 1800

Le niveau d’engagement

On pourrait résumer toutes les données précédentes en parlant de l’engagement. Cette notion prend en compte d’un côté les risques et la difficulté de l’ascension, et de l’autre côté la facilité à quitter la montagne en cas de problème (par ses propres moyens ou aidé).

C’est probablement l’engagement qui fait la plus grande différence entre un raid andin ou himalayen et un raid dans les Alpes. Dans les Andes, dans l’Himalaya, il n’y a pas de logistique sur place (refuges…), pas de service de sauvetage organisé, pas beaucoup de monde qui passe. On est très loin de tout, seuls face au risque et à ses responsabilités, d’autant plus que les approches sont longues. En cas de problème il ne faudra souvent attendre d’aide que de soi-même. Cela nécessite parfois un certain courage physique, mais le problème est plus phantasmé que réel.