L’altitude et ses effets

Le mal de l’altitude se manifeste lorsque l’on monte trop vite en altitude, sans laisser à l’organisme le temps de s’acclimater. il se manifeste par des nausées, aux de tête, perte de volonté… et peut aller jusqu’à entraîner la mort dans les cas les plus extrêmes. Il est possible de le prévenir, par une acclimatation appropriée, mais beaucoup moins de le traiter.

Je précise avant de commencer que je n’ai pas de formation officielle sur ce sujet. Les lignes qui suivent retranscrivent simplement l’expérience issue d’une longue observation, et d’une « pratique » personnelle fréquente du mal de l’altitude. J’aimerai bien qu’un de ces jours un médecin lise ces lignes et me dise si les symptômes et remèdes que je décris ici ont des appellations contrôlées et officielles. Merci d’avance.

A quoi ressemble le mal de l’altitude ?

Le mal de l’altitude peut prendre plusieurs formes assez différentes selon le niveau de gravité. On peut distinguer trois phases :

Le petit mal des montagnes (appellation non contrôlée)

Quelques symptômes liés à l’altitude peuvent survenir à tout moment dès lors que l’on dépense de l’énergie. Ce sont :

  • Un essoufflement à l’effort : on a du mal à trouver son air, on halète comme un chien. J’imagine qu’il s’agit tout simplement de l’effet de la baisse de pression de l’air.
  • La tête qui tourne quand on s’agite trop. Exemple typique : lorsque l’on creuse une plate forme dans la neige pour installer le camp, à grands coups de pelles. En quelques secondes la tête tourne, le champ de vision s’obscurcit, parfois on a une baisse de tension suffisante pour tomber au sol. Impressionnant mais pas grave !
  • Un léger mal de tête. Personnellement, je ressens souvent une douleur localisés sur l’arrière de la tête, au niveau des tendons qui entourent la colonne vertébrale.

Ces symptômes disparaissent généralement dès qu’on cesse ou diminue l’effort et qu’on prend l’air.

Le mal aigu des montagnes (MAM)

Dans un second temps, si l’on reste en altitude (même sans une activité physique importante), d’autres symptômes apparaissent :

  • Les nausées. Elles sont faibles et passagères au début, puis très fortes, allant jusqu’aux vomissements. Contrairement au mal des transports ces vomissements ne calment pas les nausées.
  • Le mal de tête. Il peut être très violent.
  • Une baisse sensible de la volonté. Je pense que ce symptôme est un dérivé naturel des nausées. On n’a plus en vie de rien faire, on n’a plus en vie de faire d’effort pour monter, plus envie non plus de bouger pour descendre… On a envie que les autres nous disent ce qu’il faut faire, et qu’ils nous aident à le faire. On a envie d’être dorlotés, on devient terriblement égoïste.
  • Une aptitude à l’endormissement. Ce symptôme fonctionne avec les autres, il est impressionnant à l’ouvrage. Par -20°C, malade comme un chien, je me suis endormi en 30 secondes sur l’arête des bosses lors de ma première ascension du Mont-Blanc.
  • Un manque de pertinence quant aux comportements à adopter. Toute logique peut quitter le malade, qui selon le cas (et entre autres exemples innombrables) se croit ailleurs, pense qu’il rêve, prend des décisions totalement inadaptées, ne sait plus faire les gestes habituels…

L’oedème

Si la personne persiste à rester en altitude malgré le MAM, il peut y avoir risque d’oedème : de l’eau s’accumule dans les poumons (oedème pulmonaire) ou dans le cerveau (oedème cérébral).

L’oedème pulmonaire est très facile à reconnaître : il provoque une respiration très rauque, et la personne crache une bave rosée. L’oedème cérébral est plus complexe car il ne génère pas vraiment d’autres symptômes que ceux du MAM précédemment décrits, ils sont simplement plus violents et peuvent aller jusqu’au coma.

Ces deux oedèmes sont MORTELS A COURT TERME (quelques heures). La redescente immédiate de quelques centaines de mètres est la solution la plus simple, si ce n’est pas possible l’évacuation par hélico doit être décidée sans hésiter, sinon reste la solution du caisson hyperbare que tout le monde n’a pas sur lui en permanence évidemment…

J’ai le souvenir d’avoir croisé, à la Garganta (col entre les sommets nord et sud du Huascaran, au Pérou) un cadavre tout à fait mort d’un oedème, ça fait réfléchir !

Les causes du mal de l’altitude

Moins d’oxygène pour les cellules

Les cellules de l’organisme ont besoin d’oxygène pour vivre : une cellule privée d’oxygène plus de 3 minutes meurt. Cet oxygène, l’organisme le tire de l’air par la respiration. Dans l’air il y a plusieurs gaz, de l’azote, du CO2… l’oxygène y est représenté à 20%. Ce pourcentage est constant quelque soit l’altitude à laquelle on se trouve. Le problème provient du fait que la pression de l’air diminue avec l’altitude. Au niveau de la mer, elle est en moyenne, de 760 mm Hg, au Mont Blanc elle diminue de moitié et au sommet de l’Everest elle est théoriquement de 236 mm Hg. Une même goulée d’air respirée au sommet du Mont-Blanc apportera donc à l’organisme 2 fois moins d’air qu’au niveau de la mer. Les cellules de l’organisme risquent donc de manquer d’oxygène si l’effort à fournir consomme plus d’oxygène que ne peut en apporter la respiration.

La réaction de l’organisme

En cas de quantité d’oxygène respirée trop faible, l’organisme met rapidement en place des processus internes pour améliorer les choses. Au bout de quelques heures (6 environ) au-dessus de 3000m, le corps fabrique des globules rouges supplémentaire. Leur rôle étant de transporter l’oxygène dans le sang depuis les poumons vers l’ensemble de l’organisme, cela permet d’améliorer l’efficacité de la fixation et de l’utilisation du peu d’oxygène respiré.

Le cœur et les poumons trouvent également un autre rythme : les battements cardiaques baissent d’intensité et la respiration se ralentit. Suivent des modifications du système hormonal, puis des changements sur le plan des tissus musculaires et adipeux.

A ce stade, l’organisme a donc réagi pour améliorer la capacité du sang à capter l’oxygène. Cela va éviter aux cellules de se détériorer, c’est bien. Mais ce que l’organisme n’a pas su prévoir, c’est qu’il va y avoir des effets secondaires très désagréables, car l’accumulation des globules rouges accroît la viscosité du sang. A partir d’un certain moment, ce sang épais riche en globules rouges a de plus en plus de mal à circuler dans nos plus petits capillaires. Cette augmentation de la viscosité sanguine est par ailleurs amplifiée par la sécheresse de l’air d’altitude qui provoque une déshydratation générale.

C’est l’incapacité du sang à atteindre les plus petits capillaires du cerveau qui crée les premier maux de têtes, nausées… Le mal léger des montagnes est donc une création de l’organisme, et pas directement de l’altitude… On ne peut décidément compter sur personne !

Plus tard, la pression trop faible de l’air et de l’oxygène génèreront des problèmes plus graves, et en particulier l’oedème…

Quand risque-t-on le mal de l’altitude ?

Le mal de l’altitude se manifeste dès lors que l’on gagne trop rapidement de l’altitude sans laisser au corps le temps de s’acclimater à de nouvelles conditions.

L’altitude à laquelle il commence à se faire sentir peut être très variable selon les personnes, les modes de vie, le passé de montagnard, etc… Disons qu’en moyenne, une personne « de la plaine », non acclimatée, qui monte très rapidement en altitude, commence à sentir les effets de l’altitude à partir de 3000 mètres (fatigue plus importante à effort équivalent, léger mal de tête et petites nausées après un effort important, etc…), que cela peut devenir vraiment problématique (rendre la progression difficile voire impossible) à partir de 3500 à 3800 mètres, et que cela peut devenir dangereux à 4500 ou 5000 mètres (risques d’oedème cérébral ou pulmonaire). Mais ce n’est pas une échelle absolue, chacun doit être à l’écoute de soi-même.

Le « délai de grâce »

Le mal de l’altitude n’arrive pas immédiatement. Il y a un délai entre le moment où l’on atteint une altitude trop élevée par rapport à son niveau d’acclimatation, et le moment où le mal de l’altitude survient. Je ne sais pas si ce délai porte un nom médical, donc je lui en donne un pour que l’on se comprenne mieux par la suite. Appelons-le « délai de grâce ».  Quelques exemples de la manière dont ce délai se manifeste :

  • Les touristes qui prennent le téléphérique de l’aiguille du midi (départ 1000 m Chamonix, arrivée 3800 m) sans être précédemment montés en altitude disposent de 2 ou 3 heures de bonheur avant de soudain sentir leur organisme faiblir et les symptômes du mal de l’altitude leur tomber dessus. Il n’est pas rare de voir des cohues devant la gare de redescente, tout le monde voulant monter dans la prochaine cabine pour échapper à cette très désagréable sensation.
  • Les gens qui ont loué les services d’un guide pour faire la voie normale du Mont-Blanc montent à pied au refuge de l’aiguille du goûter (3800 m). Ils y arrivent en fin de journée, fatigués mais contents, ils mangent une grande assiette de pâtes et vont se coucher. Vers minuit, un certain nombre se lèvent précipitamment pour aller vomir leur repas dans les barres rocheuses (quelques-uns n’atteignent d’ailleurs pas l’extérieur !)
  • Atterrir à La Paz (Bolivie) est une expérience étonnante. L’aéroport est à 4100 m d’altitude. En sortant de l’avion on se sent légers, vivifiés par l’air ténu et frais. On prend un taxi pour descendre en centre ville, à 3800 m. Là on se retrouve dans un paysage ordinaire de grande ville : immeubles, grandes artères fréquentées de voitures bruyantes et polluantes. Il est bien difficile de s’imaginer que quelques heures plus tard le mal de l’altitude va vous clouer au lit dans la chambre de votre hôtel.

Ce délai varie considérablement d’un individu à l’autre, de la forme physique globale, etc…

Prévenir le mal de l’altitude

La solution la plus intelligente pour prévenir le mal de l’altitude consiste évidemment à soigner son acclimatation. C’est tout un art, lié à la préparation de l’itinéraire, et cela mérite une rubrique complète. Voyez donc à ce sujet les conseils pour réussir son acclimatation.

Mais plusieurs autres facteurs peuvent retarder ou limiter le mal de l’altitude :

  • Le vent a un effet reconnu. Plus il fait froid et venteux moins on est englué dans les symptômes de mal d’altitude. Choisir un itinéraire bien venté (par exemple une arête dégagée) est donc un plus si vous êtes fragiles. Si vous êtes malade (mais pas trop) dans la tente, sortez, faites une balade au grand air, souvent ça suffit.
  • La prise d’aspirine limite le mal de tête, mais ne fait pas grand chose contre les nausées, et elle ne rend pas la volonté !
  • Le fait de boire beaucoup, également, a un effet bénéfique : en aidant à lutter contre la déshydratation systématique de l’organisme dans l’air très sec d’altitude, cela permet de désépaissir un peu le sang. Les petits capillaires du cerveau seront mieux irrigués et plusieurs symptômes seront limités (nausées, mal de tête).

Il existe aussi un traitement médical préventif censé être efficace pour faciliter les choses : il consiste à prendre des diurétiques (voir « La pharmacie« ) quelques jours avant de partir et pendant la balade, mais il faut le faire avec prudence car (évidemment) cela favorise la déshydratation, et ça peut aussi contribuer à vous masquer un état physique mauvais.

Traiter le mal de l’altitude

Arrêter l’effort

Le premier stade de mal de l’altitude (petits maux de tête, petites nausées) se traite par l’arrêt de l’effort, qui suffit souvent : il faudra alors attendre tranquillement (quelques heures) que l’organisme s’adapte.

Redescendre !

Le mal aigu des montagnes, stade suivant, indique clairement que vous êtes largement au dessus de la limite supérieure d’adaptation actuelle de votre corps.

La seule vraie solution est la redescente. Dès que vous repassez en dessous de l’altitude à laquelle votre corps est acclimaté, l’effet est immédiat et foudroyant, c’est impressionnant : la seconde d’avant vous êtes mourant(e), et tout à coup vous n’arrivez même plus à vous rappeler pourquoi diable vous souhaitiez redescendre tellement tout va bien.

Ceci dit, si une fois malade, l’on reste à l’altitude à laquelle on est tombé malade, on va tout de même s’acclimater peu à peu, mais cela peut durer longtemps !!! Si par exemple vous êtes acclimatés à 3000 m, et que vous dormez à 4000, il faudra probablement 2 journées complètes (rappelez-vous, le corps encaisse 500 m par jour) pour que les symptômes disparaissent complètement… et dans l’intervalle, vous allez en baver !

Si vous en êtes au 3ème stade, à savoir l’oedème, alors là, aucune hésitation : redescente obligatoire, immédiate et très rapide. Un oedème pulmonaire peut tuer en une heure !

AN – TI – CI – PER !

Un dernier conseil : lorsque vous pressentez que vous même ou quelqu’un de votre équipe risque un mal de l’altitude sérieux, évitez de vous mettre dans des situations où la descente rapide sera impossible. Rien de pire pour un malade que devoir remonter quelques centaines de mètres de dénivelé avant de pouvoir enfin plonger vers le bas par un itinéraire facile et rapide.

Réussir son acclimatation

Les conseils donnés dans cette page doivent vous guider dans la manière dont vous programmez votre itinéraire, ils sont donc à réfléchir avant le départ en balade. Ils ne vous seront pas d’un grand secours lorsque vous serez engagés… et déjà malades. Pour ce genre de situation, reportez-vous plutôt à L’altitude et ses effets dont la lecture est d’ailleurs conseillée pour comprendre ce qui suit.

Faire vite !

Il est possible de jouer avec le « délai de grâce » (voir « L’altitude et ses effets » pour comprendre cette notion) :

Si vous montez au delà de votre niveau d’acclimatation, mais que vous redescendez en dessous de ce niveau avant d’avoir dépassé la fin le délai de grâce, c’est gagné, vous ne ressentirez pas (ou pas trop) les effets du mal de l’altitude. C’est grosso-modo comme ça que procèdent tous ceux qui gravissent des sommets de quelque importance. Gravir le Mont-Blanc ne nécessite nullement d’être acclimaté à 4800m, il suffit de dormir à une altitude raisonnable compte-tenu de son niveau d’acclimatation (par exemple 3000 mètres, au refuge des grands mulets), puis de foncer au sommet et de redescendre avant d’être malades.

Par contre une chose est sûre, si 100 personnes qui arrivent en forme au sommet y dorment, une grosse majorité risque de se réveiller malade le lendemain, ce qui prouve bien qu’ils ne sont pas acclimatés à 4800 m.

S’acclimater sur place

La manière la plus raisonnable (mais peut-on toujours être raisonnables ?) d’éviter le mal de l’altitude est de s’acclimater correctement. Disons qu’à partir de 2500 m d’altitude, le corps a besoin d’une journée pour gagner 500 m d’altitude dans de bonnes conditions. Selon ce calcul, il faudrait donc 4 journées de montées progressives pour atteindre 4500 m sans être (trop) incommodés.

Décennies après décennies, la compréhension du phénomène d’acclimatation de l’organisme et la prise de conscience de l’existence du « délai de grâce » ont amené à mettre au point une technique qui a fait ses preuves : la progression en « dents de scie ». Cette technique, surtout utilisée en expédition sur des sommets très élevés, peut parfaitement et avec profit être mise en oeuvre sur des sommets bien d’chez nous et pas si hauts que ça.

Elle consiste à monter chaque jour plusieurs centaines de mètres au dessus de son altitude d’acclimatation, mais de redescendre avant la fin du délai de grâce. On s’évite ainsi les symptômes du mal de l’altitude, mais l’organisme, lui, en profite tout de même pour s’acclimater. Il suffit donc de monter chaque jour un peu plus haut (maxi 500 m).

Exemple de progression « en dents de scie » pour s’acclimater en vue de l’ascension du Mont-Blanc

Si vous suivez la progression suivante, je peux vous promettre que vous ne vomirez pas vos pâtes sur les marches du refuge du goûter (que vous éviterez d’ailleurs soigneusement puisque vous serez sous tente quelque part dans les immensités tranquilles)

  • Jour 1 : Montée à 3000 m, nuit à 2500 m
  • Jour 2 : Montée à 3500 m, nuit à 3000 m
  • Jour 3 : Montée à 4000 m, nuit à 3500 m
  • Jour 4 : Montée à 4800 m, nuit à 3500 m ou redescente
  • Jour 5 : Redescente peinard

Évidemment, il faut du temps, mais c’est ça le raid en montagne.

S’acclimater avant

Vous pouvez aussi, dans les semaines précédant l’ascension, et si vous avez des montagnes à proximité, monter le plus souvent possible en altitude, et y rester le plus longtemps possible, même si vous ne faites pas d’efforts particulier. Mais il faut comprendre que l’acclimatation à l’altitude ne peut en aucun cas se faire en dessous de 2000 mètres car la pression partielle d’oxygène y est encore trop importante pour générer un réel manque dans l’organisme. Faire un footing à 2000 mètres vous permettra d’améliorer votre condition physique mais n’apportera rien à votre acclimatation. Inversement,  faire une séance de chaise longue au sommet de l’aiguille du midi (3800 mètres) n’améliorera pas votre condition physique mais vous acclimatera… c’est comme ça !

L’idéal est bien évidemment de faire les deux : haut et fort… vous serez comme des rois une fois sur place !