A quelques dizaines de mètres au nord du castelas de Saint Laurent, sous les pentes d’herbe raides entrecoupées de barres rocheuses qui mènent au site des traces de dinosaures, on peut remarquer, juste au dessus de la route, au milieu d’un pré, une maçonnerie qui émerge, laissant apercevoir un segment de voute. Rien d’important, mais largement assez pour faire rêver. Tous les châteaux des Cévennes, de France et du monde ont FORCEMENT des souterrains oubliés, qui recèlent des chèvres d’or et autres trésors terriblement anciens. Saint Laurent ne fait pas exception, et si l’on ne voit plus trace du château qui s’élevait sur le castelas, les mémoires s’en souviennent bien, elles. Alors, pas de doute, cette maçonnerie, c’est forcément la sortie du souterrain. D’ailleurs, certains ont remarqué que de l’autre côté du castelas, au milieu des maisons frileusement entassées les unes contre les autres, il y a, dans un vieux mur, une sorte de porte condamnée. A n’en pas douter, voilà l’autre bout du tunnel…
Curieusement, ces histoires circulent mais n’intéressent pas plus que ça ceux qui les racontent. Après enquête, la plupart des gens du coin n’y ont jamais jeté un œil, et le propriétaire de la parcelle y jette fréquemment ses broussailles au printemps. Alors peu à peu l’entrée se comble, et déserte les mémoires. Bientôt on parlera encore du souterrain de Saint Laurent mais on ne pourra même plus en montre l’entrée dont on aura oublié la position.
Moi, ce genre d’endroit, ça m’attire. c’est comme ça. Et avec toutes ces histoires, j’ai voulu jeter un œil, juste un petit. Je m’attendais à trouver un départ de galerie, quelque chose qui corrobore au moins un peu l’hypothèse du souterrain. Alors je me suis faufilé dans le truc. Mais une fois dedans, point de tunnel. Une niche de pierre au cœur de la terre, qui au lieu de partir tout droit vers le centre de la colline, prend fin en à peine deux mètres sur une paroi de pierres incurvées. Déçu, mais tout de même touché par l’ancienneté manifeste de l’endroit et l’ambiance ouatée et humide qui y règne, j’y suis resté un bon moment, écoutant le silence de la terre, interrompu de temps à autres par un très lointain bruit de voiture qui passe, indifférente à moi.
Alors, finalement, qu’est-ce que c’est que ce truc ? Quelques mètres sous la route, de l’eau s’épanche en permanence, signe qu’une petite nappe phréatique est perchée par là. Il parait qu’elle a progressivement commencé à couler dans les dernières décennies du deuxième millénaire. Voilà un indice intéressant.
Et puis, à bien y regarder, cette maçonnerie qui m’abrite ressemble aux aménagements qu’on voit un peu partout dans les environs pour protéger les sources les plus utiles à l’homme. Pour que l’eau jaillisse dans de bonnes et belles conditions.
Voilà donc probablement une ancienne source de Saint Laurent, dont l’eau a dû s’enfoncer progressivement dans la roche jusqu’à déserter le porche que les hommes lui avaient construit pour ressortir librement un peu plus bas.