L’eau est très rare à la surface des plateaux calcaires comme les causses ou la can de l’Hospitalet. Toutes les possibilités d’en collecter et d’en conserver sont bienvenues. Les lavognes, ou lavagnes, font partie des nombreuses astuces que les humains ont mises au point dans ce but. Ce sont des mares destinées à abreuver les troupeaux qui pâturent sur les plateaux. Elles se présentent sous la forme de mares quasi circulaires de 5 à plusieurs dizaines de mètres de diamètre.
Par définition, les lavognes sont artificielles. Il est pourtant très rare qu’elles aient été creusées dans leur totalité car les quantités de matières à enlever sont énormes et les sols de calcaire durs, surtout au regard des moyens de terrassement disponibles aux époques parfois reculées auxquelles les lavognes ont été mises en eau. La plupart du temps il s’agit de creux naturels réaménagés : le fonds est parfois caladé, et il est toujours étanchéïfié (généralement à l’argile) pour tenir l’eau le plus longtemps possible. Certaines lavognes ont été installées dans des ouvertures d’aven, que les agriculteurs n’aiment jamais bien laisser ouvertes à l’air libre, et qui leur fournissent ainsi un bel entonnoir précreusé. La démarche consiste à construire une voûte pour boucher l’aven, puis à recouvrir le tout de cailloux, de terre et enfin d’argile, et le tour est joué. Mais on connait des cas d’effondrement intempestif de lavognes dans les avens qui les ont accueilli, méfiance !
Une lavogne nécessite de l’entretien pour rester efficace : en cas de période sèche, le niveau baisse et l’eau peut totalement disparaître, mettant l’argile à l’air libre. Celle-ci sèche en se rétractant, formant des polygones de dessication qui fracturent la couche et la rendent perméable. Autrefois, le piétinement régulier des bêtes qui venaient boire en accompagnant le retrait de la mare au fur et à mesure de son évaporation cassait les polygones et en refaisait de la poudre qui à la première pluie reformait une belle argile bien étanche. Mais les lavognes sont de moins en moins utilisées avec l’arrivée progressive de l’adduction d’eau, même dans les lieux reculés des plateaux. Alors l’argile n’est plus piétiné, les fonds de lavognes deviennent poreux et si l’agriculteur ne les refait pas lui-même, elles ne tiennent plus l’eau et disparaissent peu à peu du paysage…
Je ne connais que deux lavognes notables sur la can de l’Hospitalet : la lavogne de Terre-rouge, avec sa couleur caractéristique, et la lavogne des Crottes, la plus grande de tout le plateau. On raconte toutefois que l’aven de Montgros avait autrefois été rebouché pour ménager une lavogne et que celle-ci s’est effondrée aux alentours de la fin du XIXè siècle.