Si vous arpentez les vastes espaces dénudés de la can de l’Hospitalet, vous apercevrez certainement de longues dépressions qui serpentent élégamment à la surface. Elles évoquent des rivières sans eau dont le fonds serait tapissé d’herbe. Comme un réseau hydrographique, elles forment un chevelu arborescent : les plus petites se « jettent » dans des plus grandes. Peu profondes (guère plus d’un mètre), elles présentent des berges peu raides qui n’entravent pas le passage des machines, permettant aux agriculteur de les faucher dans la continuité des prairies alentour. Ce sont des présences un peu fantomatiques, qui interrogent sur leur formation et leur « rôle ».
Les agriculteurs du plateau les nomment « Canaules ». Pour le géologue, ce terme désigne une érosion en forme de couloirs plutôt raides et escarpés qui s’observe dans certains types de calcaires. Nous avons manifestement affaire ici à quelque chose qui ne correspond pas à cette définition. Le terme semble donc employé improprement, je serais curieux de savoir comment il a fait son apparition ici.
Mais alors, à quoi sont dues ces formations ? Je n’ai pas trouvé d’explications détaillées à ce jour, mais une visite sur le plateau pendant ou juste après un épisode cévenol (très grosse pluie) apporte des éléments de compréhension. En effet, dès que le flux de pluie dépasse les capacités d’absorption des sols, l’eau commence à ruisseler à la surface en suivant les lignes de pente, qui la mènent inévitablement vers les points bas : nos canaules (continuons à utiliser ce terme en attendant d’avoir mieux). Celles-ci ressemblent bientôt à de véritables rivières, comme notre intuition nous l’avait laissé penser par temps sec.
Et alors, me direz-vous, toute cette eau, elles l’emmènent où, nos canaules ? Hé bien, vers des points encore plus bas, ou elle finit par être goulument absorbée par la terre, soit dans un aven (puits de grotte verticale), soit dans un ponor (ouverture non pénétrable mais qui laisse passer l’eau).
Si la quantité d’eau amenée par une canaule dépasse la capacité d’absorption de l’aven ou du ponor, l’eau monte, s’accumule, jusqu’à former une mare ou un lac temporaire.