Voici encore un lieu plein de souvenirs, où le réel et l’imaginaire se côtoient sans qu’il soit toujours possible de faire la part des choses. Portée sur les cartes IGN jusque dans les années 80, la baume de Giral n’y figure plus maintenant, et semble avoir déserté les mémoires car à part les exploitants des environs immédiats et quelques chasseurs, bien peu connaissent son existence. De fait, elle est loin de tout, difficile d’accès, et presque totalement enfouie sous la végétation. Mais un chemin a été tracé dans les années 2010 pour y accéder depuis la piste qui la surplombe, facilitant son approche. On y arrive par le haut d’une falaise, en terrain découvert, et pour s’enfoncer dans les profondeurs de l’ombre il faut dénicher une faille, sur le côté gauche, au creux de laquelle des marches d’une autre époque sont à peine visibles dans leur mimétisme minéral, mais bien utiles pour descendre cette pente raide.
La falaise que l’on découvre là-dessous est curieusement tordue. Vers la droite, un abri sous roche très massif semble vouloir arracher la montagne et la précipiter dans le ravin. Le porche, quand à lui, se découvre au dernier moment, malgré ses 7 mètres de diamètres. Il nous regarde de son oeil rond et noir. A côté de l’entrée principale, deux petits diverticules permettent d’entrer et sortir par des voies détournées, ce qui, j’imagine, constitue une sacré sécurité dans certaines circonstances. Mais il paraît qu’il y a eu un éboulement dans les périodes récentes, les lieux ont dont probablement changé d’aspect.
Des crottes de moutons nombreuses et récentes témoignent de la fréquentation régulière du lieu par les troupeaux… mais il n’en a sans doute pas toujours été ainsi : des ossements humains y ont été découverts au XIXème siècle et nourrissent la légende. Il se raconte, comme dans le « Dictionnaire géographique et administratif de la France », de P. Joannes, que la grotte aurait servi de « temple » aux protestants dans la période du désert, et qu’une assemblée clandestine y aurait été dénoncée et surprise par les dragons du Roy en 1703, ses participants massacrés et enterrés sur place, et les ossements de ces « martyrs de la conscience blanchissent encore sous les pierrailles amassées à l’entrée ». D’autres prétendent que les participants à cette fameuse assemblée auraient été emmurés vivants.
A ce jour je n’ai trouvé aucune autre trace d’une assemblée du désert surprise à cet endroit cette année-là. Ces interprétations sont donc plus que douteuses, mais elles ne sont pas étonnantes. Dans les environs, le légendaire associé à l’histoire protestante est si tenace que tous les sites un peu « forts » se doivent d’avoir, aux époques adéquates, accueilli des camisards ! La seconde version (l’assemblée emmurée) semble encore plus difficile à croire que la première car aucune trace de bâti important n’est visible à l’entrée du porche, qui semble d’ailleurs trop vaste pour être fermé facilement. Cette assemblée a-t-elle donc été inventée de toute pièce ? Peut-être bien. A un petit kilomètre de là, se trouve le site de Cros-paradis, qui lui a de source sûre accueilli une assemblée qui fût surprise. Peut-être pourrait-il y avoir eu confusion ou déformation avec le bouche à oreille ?
Il n’en reste pas moins que des ossements ont été exhumés de cette grotte. Alors d’où sont-ils venus ? Comme le dit Philippe Joutard dans « La légende des Camisards », il est fréquent que des ossements trouvés dans des grottes de la région soient « rajeunis » de 2 ou 3 millénaires par leurs découvreurs ou la tradition orale, transformant des hommes préhistoriques en camisards. Il semble donc plus que probable que la baume de Giral, a servi de sépulture vers la fin de l’époque préhistorique ou à la protohistoire, comme la grotte des fées, ce qui ne surprend guère lorsque l’on découvre le site qui présente beaucoup de qualités. Les ossements en question « seraient » actuellement en vrac dans quelque placard du Musée Ignon Fabre de Mende.
Seul problème pour l’occupation permanente : l’eau. Aucune source à proximité immédiate. Seules quelques gouttes suintent du plafond par endroits. L’eau n’a pourtant pas toujours manqué ici : tout au fond, le porche se resserre à l’état de galerie, puis de boyau, qui continue son cheminement dans le noir sans nous inviter. Des formations calcaires (gours, cascade…) indiquent sans ambiguïté que l’on est bien ici dans une « vraie » grotte, autrefois creusée par une rivière souterraine de petite taille. Mais l’eau a depuis longtemps déserté cette altitude pour s’enfoncer plus profond dans la can de Tardonnenche…
Les habitants du pays se racontent encore que cette grotte communiquerait avec Tardonnenche, et que cela se serait su lorsqu’un chien de chasseur aurait disparu ici et réapparu là… Mais j’ai eu beau farfouiller, je ne trouve aucun passage !