L’aven de Montgros est un personnage majeur de la can de l’Hospitalet.
Pour le découvrir, il faut s’aventurer au fond d’une belle doline à la forme complexe, nichée au milieu de cette magnifique prairie qui s’étend à l’est de la route, un kilomètre et demi au sud du hameau de l’Hospitalet . La doline en question est discrète : seuls quelques épineux poussant à sa périphérie trahissent sa présence au promeneur attentif. Il faut marcher jusqu’à son rebord pour découvrir ce petit endroit intime et chaleureux. Il est facile d’y descendre par des belles pentes herbeuses, et l’on s’y sent protégé lorsque le vent souffle sur la can. Les jours de forte pluie, les eaux qui se mettent à couler en rivières temporaires à la surface de la can y convergent et disparaissent dans une ouverture sombre, justifiant l’appellation de « ponor » (perte) que lui donnent les spécialistes.
L’aven proprement dit, étroit et profond, s’ouvre au nord de la doline dans une zone au relief plus perturbé, inquiétante. Il s’autorise pourtant un trait d’humour : il laisse émerger de la gueule sombre un frêne au port élancé qui semble s’y plaire.
La formation de l’aven raconte une histoire pleine de rebondissements. A en croire les traces écrites, il serait même né plusieurs fois.
Un premier témoignage atteste que l’aven s’est ouvert en 1875 à la suite d’une crue énorme qui aurait fait céder le fonds d’une lavogne (sorte de mare artificielle destinée à accumuler les eaux de pluie pour permettre aux troupeaux de boire). En effet, certaines lavognes étaient construites en rebouchant partiellement des avens pour profiter du creux naturel. On raconte que toute cette eau est ressortie à la grotte de Baume Dolente dans un fracas tel que les habitants du petit hameau de Montagut, à plusieurs kilomètres de là, l’ont entendu gicler pendant 2 jours !
Un autre témoignage atteste qu’au cours de l’hiver 1877 il y ait eu un autre effondrement, très vaste également, sans plus de précision.
Une autre source écrite (pcl, p. 26) fait mention d’un lac temporaire qui se serait créé en 1882, et dont le fond aurait cédé violemment, donnant naissance à l’aven… Ce récit ressemble suffisamment à celui de 1875 pour imaginer qu’il s’agit d’un seul et même événement.
Dans les années 50, le spéléo-club nîmois, persuadé que l’aven de Montgros est un regard direct sur le drainage souterrain de la can, décide de s’y pencher sérieusement. De nombreuses séances de désobstruction permettront de gagner quelques mètres mais ne donneront hélas jamais à Montgros les dimensions d’une grande cavité.
Il a aussi une configuration particulière, en deux puits parallèles reliés entre eux par une galerie horizontale d’une dizaine de mètres de long. L’un des puits a été bouché (probablement par les agriculteurs ?) par un linteau de béton en une période sans doute déjà reculée (début du XXème ?), il s’est débouché naturellement en 2004.
Si on a le pied sûr, on peut descendre sans corde dans la première partie de l’aven, en suivant la pente naturelle de la profonde faille, côté nord. On arrive sur un sol caillouteux, probablement un colmatage de la faille par les sédiments tombés du plateau. C’est là que s’ouvre la courte galerie qui mène au second puits. Elle est facile à parcourir, presque sans lumière car on y distingue un soupçon de lueur du jour arrivant des deux côtés à la fois… La galerie débouche à mi-hauteur d’une vaste faille dont le sommet émerge à l’air libre (le second puits). Le linteau en béton est nettement visible à quelques mètres au dessus. On ne peut pas aller plus loin sans un tout petit peu de matériel (et de technique) spéléo. Il faut en effet descendre une verticale de quelques mètres pour rejoindre le plancher caillouteux du second puits. Une dernière courte verticale se désescalade ensuite facilement pour rejoindre une galerie basse, inconfortable et humide, qui conduit au siphon terminal.
C’est là qu’en 1982 et 1983, ont été réalisés des « traçages » hydrogéologiques (mesures permettant de connaître la destination des eaux souterraines) qui ont permis d’éclaircir un aspect passionnant de ce lieu : l’aven de Montgros est la pièce centrale de l’étrange « diffluence » qui sépare les eaux souterraines de la Can : selon les régimes de pluie, les eaux qui pénètrent à Montgros ressortent, côté Méditerranée (à la grotte de Tartabisac) ou côté Atlantique (Baume Dolente)
A l’entrée de cette galerie, on peut voir de magnifiques veines de chaille, qui apparaissent d’une blancheur éclatante dans les calcaires grisâtres.
L’aven est en perpétuelle évolution : au début des années 80, des spéléos signalent qu’il s’est subitement approfondi de plus 10 mètres (sans doute la petite désescalade et la galerie terminale ?) et qu’il est resté instable car ce creusement s’est effectué au sein d’éboulis et de sédiments fragiles.
Tous ces aspects passionnants font de l’aven de Montgros un objectif de balade très prisé par la famille lorsque le dimanche après midi s’avance et qu’il faut sortir s’aérer après le repas.
Merci à Daniel André pour les informations historiques.