J’ai toujours été stupéfait de l’immense diversité de paysages que présente la can de l’Hospitalet. Briaygue est peut-être l’illustration absolue de cette vérité. Nous sommes ici 150 mètres sous la bordure sud de la can. Rien ne permet pourtant de faire le rapprochement entre les immensités sèches et planes de là-haut, et la jungle humide, obscure et cachée d’ici.
Atteindre Briaygue est déjà une sorte d’exploit en soi. Descendre directement de la can est hors de question : la broussaille la plus piquante qui soit a envahi depuis longtemps ce versant abandonné. Il faut arriver de la D9, dans la descente vers le Pompidou, et au lieu dit « Les Pesières », tourner à droite sur une petite route qui plonge vers la haute vallée borgne. La première piste qui s’en détache vers la droite est la bonne, mais elle n’accueillera pas la voiture : une barrière en ferme l’accès, comme s’il y avait là quelque chose de précieux… C’est à pieds qu’il faut entamer le contournement du « Causset« , cette pointe calcaire qui marque l’extrême avancée de la can vers le sud.
Déjà, la traversée de la forêt regorge de curiosités et de bizarreries qui font penser qu’on pénètre dans un monde étrange. Un sable épais et sombre sourd des moindres reliefs et se répand en coulant lentement… La roche elle même semble molle, et sculpte des formes qui semblent impossibles à façonner par la seule main de dame nature…
Tout ici respire l’influence de l’Homme, mais d’un homme qui se serait caché pour agir.
Une fois dépassée la pointe du Causset, le paysage s’ouvre : la haute Vallée Borgne apparaît dans toute sa splendeur printanière. Il faut plus chaud… mais on marche toujours sur ce sol fuyant, qui crisse sous les pas, et prend peu à peu une teinte rouge sang…
Des falaises de grès bordent la piste. De plus en plus hautes, elles avancent en corniche au dessus du vide, offrant des possibilités d’abris sommaires. On se croirait dans le grand rift africain, sur les territoires qui ont vu naître l’espèce humaine… L’homme préhistorique a-t-il vécu ici ? Rien de probant ne vient étayer cette hypothèse mais on aimerait y croire.
Après encore un kilomètre de marche, la piste se dégrade, se réduit à l’état de chemin, puis laisse bientôt les épineux reprendre possession du terrain. Il faut louvoyer, décrocher les habits pris dans la végétation. Enfin, voici le terminus. Les dernières traces de sentier viennent mourir dans un cirque étroit et sombre, arrosé par des filets d’eau arrivant d’on ne sait où…
Briaygues est un endroit inconfortable, humide, dans lequel on ne sait pas où se placer ni s’asseoir de peur de se mouiller le cul, mais qui respire d’une originalité rare. Il a dû se passer des choses, ici… Quoi ? Je l’ignore, mais des choses !