La « Chapelle de la Fage Obscure » était un bâtiment faisant partie d’un complexe d’accueil de voyageurs qui a existé au moyen-âge sur le site de l’actuel hameau de l’Hospitalet (commune de Vébron). Elle est pour la première fois citée dans la littérature en mai 1287, puis à nouveau dans les Feuda Gabalorum. Elle était dédiée à la Sainte Trinité, et dépendait, selon ce qu’affirme le chapitre de Quézac dès le XVème siècle, de son église paroissiale de Saint Flour du Pompidou.
Au XVIIème siècle, la chapelle était encore en fonctionnement puisque d’après feg p.151 « le prieur de cette chapelle était en procès avec M de Brissac, au sujet des droits qu’il prétendait sur le mas de la Bessède« . Enfin, « en 1725, le 16 mai, le curé du Pompidou installe Jean Turc, prêtre de Quézac, comme chapelain de la chapelle de la « Sainte trinité de l’Ospitalet de la Fage Obscure » vaquante par le decex de Maistre Antoine Dernau, Sieur des Mazes« …
La localisation de cette chapelle reste encore sujette à discussion. De nombreux textes anciens la désignent comme « la 4è partie du Mas de la Bessède ». On pourrait donc penser qu’elle était située dans le hameau même de la Bessède, qui se trouve dans les pentes de la haute vallée française, non loin du Masbonnet. Mais elle pourrait également être située en d’autres parties des terres autrefois inféodées à la Bessède, dont on ne connaît malheureusement pas l’étendue. Et une étude de l’organisation habituelle des établissements hospitaliers révèle que les chapelles sont généralement situées proche, voir à l’intérieur même des bâtiments accueillant les voyageurs. C’est à dire, dans notre cas, proche du hameau de l’Hospitalet, sur le plateau.
Le nom de « Fage obscure » nous apporte un indice supplémentaire. Il signifie « sombre forêt de hêtre ». Le hêtre est une espèce qui a besoin d’un taux d’hygrométrie atmosphérique important, et qui apprécie les sols calcaires, ou en tout cas peu acides. Les vallées cévenoles, qui présentent des sols très acides (schiste) et une atmosphère plutôt sèche, ne sont pas de bonnes candidates à accueillir une forêt de hêtre. Mais La can de l’Hospitalet, toute proche, est un plateau calcaire, et elle connue pour présenter de très fréquents épisodes de brouillard qui apportent régulièrement une forte humidité atmosphérique. Suite aux grands déboisements qui ont débuté à l’antiquité et se sont poursuivis des siècles durant, la can est aujourd’hui pour l’essentiel dénudée d’arbres (à part les plantations de résineux autour du Serre de Montgros), mais elle a longtemps été couverte de forêts de hêtre dont il reste des lambeaux témoins, en particulier sur les pentes nord et est du plateau.
Il faut donc très probablement chercher la chapelle sur le plateau, à l’Hospitalet même ou tout proche. Cette hypothèse est confortée par un témoignage datant de 1790. Un négociant bourguignon du nom de Marlin signale qu’à proximité de l’Hospitalet se voit une église ruinée et seule au milieu des terres, sans la localiser exactement. Aujourd’hui, une ruine correspond à cette localisation, il s’agit d’un rectangle de pierres envahi par la végétation, à 200 mètres au sud de la ferme, au milieu des prairies. Le bâtiment, d’une surface au sol d’environ 30 m², est en pierre de taille de finition moyenne. Une amorce de forme de voûte est encore visible… Un témoignage oral (dlc) appelle cette ruine la « crotte de l’Hospitalet » (crotte signifiant « cave voûtée ») et explique qu’on y mettait les bêtes la nuit. Une petite fenêtre trilobée visible sur un des bâtiments de la ferme actuelle pourrait être une récupération de la chapelle (feg). Cela ne semble pas étonnant, le style architectural étant franchement décalé avec le reste du bâtiment.
Une histoire drôle se raconte d’ailleurs à propos de cette chapelle.
Merci à Jean-Louis Cabanne,
pour le partage de ses recherches d’archives qui éclairent en partie ce sujet.