Le vrai col
Le col des Faïsses est, avec 1004 mètres, le point à l’altitude la plus basse de la ligne de partage des eaux qui court sur la can de l’Hospitalet entre sa pointe sud (Peyre-Agude) et le col du Rey. On pourrait donc s’attendre à ce qu’il constitue un point de passage privilégié entre la vallée française (par le vallon de l’hort de Dieu) et la vallée du Tarnon (vallon de Pommaret). Mais il n’en est rien. Ce point 1004 n’a à ma connaissance jamais été particulièrement utilisé pour franchir la can, et on n’y détecte pas de traces de voies de communication. Cela s’explique sans doute par la configuration des lieux : côté vallée Française (au sud-est) la montée est très raide et pas du tout pratique, voire dangereuse. Côté Tarnon (au nord-ouest), le vallon de Pommaret est à peine moins raide et beaucoup moins pratique que le vallon de Solpérière, à un peu moins d’un kilomètre au sud-ouest, emprunté lui par une voie ancienne toujours utilisée, la route cardinale.
Le terme « Faïsse » désigne une terrasse cultivée. Aucune terrasse n’est ici en vue, ce qui m’amène à penser que le nom n’a été donné que récemment à ce col, en référence à un hameau éponyme situé environ un kilomètre au nord du col, au fond du vallon de Pommaret, autour duquel il y a bien, cette fois, des terrasses.
Tout se passe en fait au faux col
Pourquoi le col des Faïsses, à peine visible dans le paysage et jamais emprunté pour franchir la can, apparaît-t-il en si gros sur la carte IGN et est-il signalé par des panneaux sur le bord de la route ? Parce que, quelques dizaines de mètres au sud de la position réelle du col, la molle crête de la can rejoint l’extrémité est du plateau de Fau Florit et forme un vaste espace horizontal, exactement situé dans l’alignement de la haute vallée française. De là, on peut apercevoir les crêtes successives des Cévennes moutonner à l’infini en nuances dégradées de bleus profonds, surmontées des sommets étincelants de neige des Alpes du sud lorsque le ciel est clair. L’image d’Epinal des Cévennes. Il n’en fallait pas plus pour décider les puissants de ce monde à installer ici un belvédère, auquel il a bien fallu adjoindre un parking qui a, soit dit en passant, été aménagé avec grand goût : quelques faux menhirs y ont été plantés, et l’on peut y pique-niquer sur de non moins faux dolmens en guise de tables, à moins de quelques centaines de mètres de tout à fait réels mégalithes dont tout le monde a oublié l’existence… Mais les touristes n’ont pas l’air de se vexer qu’on les prenne pour des cons. Pour finir, il était logique de faire coïncider ce haut-lieu touristique avec un point géodésique remarquable. Le col des Faïsses n’était pas loin, il a fait l’affaire, on l’a tiré un peu vers le sud et on a planté des panneaux, et puis voilà.
Ceci étant dit, il est vrai que ce faux col recèle des choses intéressantes : ont y a signalés des fragments de meules en trachyte, et des débris de tuiles plates à rebords et de poteries (cag p. 69). Et puis, quelques dizaines de mètres vers l’est, se trouve une grotte intéressante.