Le col du Rey est un site-clé de l’histoire humaine de la can de l’Hospitalet. De tous temps il a constitué un nœud d’itinéraires importants au niveau local mais aussi régional :
- Le passage entre la vallée française et la vallée du Tarnon. Il s’agissait d’un passage routier, mais aussi d’un réseau de tours à signaux, établi entre Anduze et Florac, qui permettait d’acheminer des messages en transitant par Barre-des-Cévennes, le col du Rey et Saint Laurent de Trèves.
- Un itinéraire très ancien mais toujours actuel reliant la plaine du Languedoc et l’Auvergne (l’actuelle Corniche des Cévennes, dont l’histoire est complexe et riche, en a repris une partie du tracé)
- Un passage entre les plaines du Roussillon et les hauts-plateaux de la Margeride pour la transhumance des moutons, la draille de Margeride.
- Un très ancien chemin « à la côte du Rey » est également signalé sous le nom de « Chalsado » par F André (manuscrit, archives départementales de la Lozère, J900, p 244).
Bref, depuis très longtemps le col du Rey est fréquenté en tous sens. Plusieurs signes très évidents de ce fait sont encore visibles aujourd’hui.
Les panneaux indicateurs, actuels, d’abord : bien nombreux pour un modeste croisement de petites routes de montagne. D’ici, on va partout, et ce assez facilement.
Mais certaines traces sont très anciennes. Un des menhirs les plus importants de la can, le « menhir couché du Rey », gisait à terre à 800 m au nord de la ferme. Il était long de 2,42 m. Visible de la draille, et proche de deux tumulus (servait-il à en indiquer la présence ?), il a été volé dans les années 70 !!!
A l’époque gallo-romaine, le site est toujours occupé : des tessons de poteries y sont trouvés.
Le nom de « Rey » est connu dès 1381 dans la littérature. Il atteste la présence en ce lieu d’un péage royal.
En juillet 1457, le seigneur de barre concède la « borie du Rey » à Antoine Atger (originaire du mas de Montsoubeiran, Molezon), qui succède à un certain Bosc. C’est le début de la très longue histoire qui va lier des siècles durant cette famille et ce lieu. Ils sont fermiers et pratiquent le petit élevage et la culture céréalière. Ils commenceront très modestement avec quelques petits bâtiments et terres, pour lesquelles ils paient en redevance une poule et un porcelet à rôtir, mais doivent aussi assurer des corvées ou contraintes comme monter la garde au château du seigneur et moudre son grain au moulin de Grattegals. Les générations suivantes agrandiront sans cesse le domaine, obtiendront de nouveaux droits et devront payer un tribut plus important au seigneur.
Par l’intermédiaire des Atger, les seigneurs de Barre lèvent au col du Rey un péage sur les transhumances. On retrouve trace de l’arrangement passé entre les seigneurs de Barre et les tenanciers du Rey dans un acte de 1540, qui sera renouvelé en 1699 (hoche, p.6). Les droits pouvaient être payés en argent (c’est le péage classique) mais aussi en « moutonnage » (prélèvement de laine, de lait ou… de crottes pour enrichir les sols). Ces modes de péage servaient aussi à compenser les torts causés par la poussière soulevée par le passage des milliers de brebis, qui couvrait les cultures bordant la draille et qui, par diminution de la photosynthèse, amoindrissait leur rendement. Tenir le péage devait être lucratif, mais certainement pas de tout repos : des altercations éclataient entre les Atger et leurs clients occasionnels, en particulier avec les bergers en déplacements qui prétendaient faire paître leurs bêtes sans bourse délier.
Mais le Rey était également une « couchée » sur la draille : moyennant finance les troupeaux s’y arrêtaient pour la nuit pour se reposer et pâturer. Les bergers pouvaient s’y restaurer et y dormir. Les avantages financier dont bénéficiait le domaine du Rey excitaient la jalousie de voisins moins chanceux, comme à Terre Rouge où les troupeaux ne s’arrêtaient pas. On trouve la trace d’un procès mené au XVIIIème siècle par le Seigneur de Terre Rouge à l’hôte du Rey (htvt p.3). On faisait courir des bruits sinistres sur ses habitants accusés d’assassinats.
Dès la fin du XIVème siècle, le Rey sert également de relais postal : on y changeait les chevaux des attelages.
Vers 1568, la famille Atger héberge au Rey les pasteurs qui rayonnent sur plusieurs communes des environs de la can.
En 1611 le domaine est solidement constitué. Les Atger ont ajouté des bâtisses nouvelles aux constructions primitives et un ensemble de terres et de pâtures ont été regroupées autour des bâtiments, formant une exploitation familiale d’importance. En 1631, l’itinéraire qui rejoint Florac par le col de vache est déjà « ferrat » (pavé), ce qui témoigne d’une bonne fréquentation !
Lors de la guerre des camisards, les Atger quittent le Rey et vont se réfugier à Florac. Mais il reviendront y vivre jusqu’à la fin du XIXème siècle. Durant cette dernière période, une auberge a fonctionné sur le site. L’histoire de cette famille se confond donc avec ce lieu pendant plus d’un demi millénaire, leur conférant une sorte de noblesse, ce que reflète l’évolution de leur nom : on les appelle « Atger du Rey » (info tirée de fpdm, p. 28). Ils seront parfois appelés les seigneurs du mas vieil, à la suite de l’achat de cette métairie sur le versant oriental de la can.
Le péage sur les transhumance se poursuit encore quelques temps : en 1717 Pierre Atger l’afferme pour 3 années au prix annuel de 60 livres. Il prend finalement fin en 1777 (crd p. 17) alors que le revenu annuel qu’il dégage est estimé à 90 livres par an (cav p.74). Dans fpdm, il est au contraire prétendu qu’en 1746 le péage est tombé en désuétude…
Le Rey est prospère. Il y a là un relais, celui-là même qui existe encore aujourd’hui, et s’insérait dans un ensemble de relais (Saint Laurent de Trèves, Nozière…) sur l’actuel itinéraire de la corniche. Y étaient assurés la vente de fourrage aux troupeaux, le gîte et le couvert des voyageurs qui le souhaitaient…(slt, p. 9)
En 1879 il y a encore 10 habitants au Rey.
En 1998, y habitait encore un homme solitaire, que j’ai souvent observer le passage des voitures de derrière sa fenêtre.
Aujourd’hui subsiste sur ce lieu un ensemble de bâtiments tristes et magnifiques dans leur délabrement. Une restauration a été entreprise en 2019 mais elle semble s’être arrêtée.