Depuis longtemps, les autorités avaient le désir de permettre aux voyageurs d’éviter la can de l’Hospitalet par temps de brouillard ou de tourmente. En 1787, le sieur Boissonade, directeur des travaux publics du Gévaudan, propose aux Etats du diocèse de Mende un itinéraire qui :
- reprendrait la piste qui part du pont du Mazel et relie Salgas, Racoules au pont de Vébron, en l’élargissant pour y permettre le passage de convois de mulets
- ajouterait une nouvelle portion par le moulin d’Astier, Les Vanels, le moulin de Ricandels, le col de Peyreficade, La Bastide et Le Pompidou.
Ce tracé présente l’avantage de limiter le passage sur La Can à sa partie la moins élevée, et à une longueur de quelques centaines de mètres, au lieu des 6 kilomètres du tracé traditionnel, souvent interrompu par la neige. Il permet aussi de mettre Vébron et les Vanels directement sur un itinéraire roulant, alors qu’ils ne sont à cette époque desservis que par une piste muletière et réclament depuis longtemps un accès vers Florac (voir « La cardinale« ).
Dans l’élaboration de ce projet il semble qu’il y ait également eu une arrière pensée moins avouable : neutraliser le péage du mas du Rey et lui substituer un autre péage entre Vébron et le pont du Mazel. Mais à la date d’aboutissement du projet le péage du mas du Rey était aboli depuis plusieurs décennies !
Les États du Gévaudan approuvent le projet du sieur Boissonade, et les travaux commencent immédiatement entre Le Pont-du-Mazel et Salgas. Sur une première ranche de travaux de 20 800 livres, plus de 6 000 livres sont dépensées sur 3 km environs, quand survient la Révolution qui entraîne l’arrêt des travaux. De 1789 à 1815, les dépenses militaires de la nation font passer au second plan les investissements routiers.
L’interruption du financement et des travaux est d’autant moins bien ressentie par les populations cévenoles que le canton de Meyrueis, détaché du diocèse d’ Alais, a été incorporé au département de la Lozère en 1789, et ne possède pas de route directe lui permettant de communiquer avec la sous-préfecture de Florac et la préfecture de Mende.
Sous le Premier Empire apparaît, en 1811, la distinction entre routes impériales et routes départementales. C’est vraisemblablement à ce moment-là que sont reprises les études de la route Florac-Vébron-Meyrueis qui prend le titre de « route départementale n°8 de Florac à Saint-Jean-de-Bruel». Ce projet aboutira en 1824, et le fait que Vébron soit désenclavé de cette manière semble faire oublier le projet originel de contournement de la can, qui ne verra pas le jour.
La Bastide, l’une des trois fermes de la can, restera cette maison modeste qu’on connaît aujourd’hui, au bout d’une petite route en cul de sac, au lieu de se trouver sur un important passage interrégional…
(d’après hvc, p. 247).