A force de parcourir ce site, vous l’aurez définitivement compris : la can de l’Hospitalet est une plaque de calcaire posée sur le schiste sous-jacent. Pour l’essentiel cette description permet de comprendre les formes générales des paysages locaux. Il existe pourtant des exceptions notoires à cet état de fait. Ainsi en est-il des filons de microgranite, qui sont nombreux sous la can de l’Hospitalet. Le Mont Aigoual, quelques dizaines de kilomètres au sud-ouest de la can, est essentiellement formé d’une grosse masse de granite. Cette roche « lance », en direction du nord-est, un ensemble de filons relativement étroits (quelques centaines à quelques dizaines de mètres de large) qui disparaissent sous la bordure sud de can de l’Hospitalet (ils ont été recouverts par les calcaires). Un seul d’entre eux réapparaît au nord-ouest du plateau, traverse la haute vallée française, passe entre Barre des Cévenne et la can noire, descend la vallée du Briançon et s’en va mourir à l’approche de Saint Julien d’Arpaon.
Malgré sa faible largeur, il génère dans le paysage des changements d’ambiance locaux : tout à coup, on semble sortir des Cévennes et de ses « serres » acérés et obliques. On pénètre alors dans un autre monde. La forme des roches change, et passe des feuilles schisteuses ou des paraléllipipèdes calcaire à des blocs aux couleurs jaune paille, voire orangé, aux formes étonnamment triangulaires, très différentes des formes arrondies des granites du Mont Lozère ou des côtes bretonnes.
Le granite de ces filons n’a pas tout à fait la même apparence que dans les gros massifs de l’Aigoual, du Bougès ou du Mont Lozère. Injecté dans des failles étroites de la roche environnante (ici, des micaschistes), le magma granitique s’est refroidi beaucoup plus rapidement que dans les massifs, menant à la formation de cristaux plus petits, d’où le nom de MicroGranite. Une fois refroidi (comme on le voit aujourd’hui), ce microgranite se présente sous la forme d’une pâte rosée avec des points clairs et des points sombres. Les points clairs, rectangulaires, blanchâtres et mats sont des feldspath. Les point sombres, plutôt verdâtres, sont des amphiboles ou des pyroxènes. Il existe aussi des traces de plein d’autres minéraux. Cet ensemble « pâte molle avec cristaux » est caractéristique des laves.
On trouve une grande variété de microgranites, car chacun des minéraux qui les constituent ont des température de cristallisation spécifiques. Les tailles et formes des cristaux dépendent donc des températures initiales, des vitesses de refroidissement, qui dépendent elles-mêmes des largeurs de filon, etc…
A l’interface des microgranites et des schistes, on trouve souvent des traces de cuisson, signe que, si le schiste a refroidi le granite, le granite a fortement chauffé le schiste qui s’en est trouvé légèrement métamorphisé sur de petites épaisseurs.
Chercher, de loin en loin, les filons de microgranite dans le paysage calcaire et schisteux de la can et de ses environs constitue un exercice amusant et passionnant. Jouons-y ensemble, du sud au nord.
L’un des points de contact du filon avec la can se fait au pied du Causset, sur la crête du Mazilhou. C’est dans les affleurements de granite que les paysans d’autrefois ont prélevé les pierres pour ériger des abris et bergeries rustiques, ce qui leur donne localement des d’ailleurs… Etonnant.
Quelques dizaines de mètres vers le nord, le granite disparait sous les grès et calcaires de la can. Un unique filon ressurgit dans les pentes nord du point côté 887 qui surplombe le Masbonnet par le sud ouest. C’est la ligne claire verticale qui passe au centre de la photo, prise du rebord de la can noire.
Il traverse la vallée et ressurgit au dessus du hameau de Billière, près de Barre des Cévennes, ou il a engendré la formation d’une magnifique barre rocheuse de plusieurs centaines de mètres de long…
Le filon subit là un double outrage : il se sépare en deux filons encore plus minces, puis est brisé par une faille d’orientation est-ouest, qui le décale de presque 500 mètres vers l’ouest. Les deux filons sont visibles à quelques dizaines de mètres de la ferme de Balmegouse, lorsqu’ils disparaissent sous le site des tétines. Il réapparaît dans le Valat des Auglanières, près de Ferrière, on le retrouve sous le Bosc, puis il plonge au fond de la vallée, la rivière appelée Briançon coule sur lui, ressemblant à cet endroit à un ruisseau du mont Lozère avec ses filets d’eau séparés…