Articule publié par Camille Hugues dans : Rhodania, fascicule 1, 1963. Association des Archéologues, Préhistoriens et Numinastes du bassin du Rhône
Très abondantes sur les crêtes et les éperons de schiste des Cévennes, les cupules deviennent rares dès qu’on aborde les calcaires des Causses où les cavités naturelles peuvent être confondues avec les véritables cupules. Dans ces régions, la décomposition du granite et du grès donne aussi des formes mineures que les hommes ont entrepris parfois d’approfondir et de régulariser pour en faire des cupules et des bassins.
A la surface même du plateau calcaire de la Can, lambeau détaché du Causse Méjan, -mis à part les bassins du Castélas de Barre – nous ne connaissons pas d’autre bloc creusé que le rocher des Conques de Ferrières (Saint-Laurent-de-Trèves), tandis que sur le versant droit de la vallée du Tarnon, à la hauteur du banc de grès qui constitue le socle de ce plateau, il existe des cupules sur le replat du Crébat (Vébron), en bordure du chemin qui monte de Vébron à la ferme de l’Hospitalet. Au même niveau géologique, sur le flanc oriental de la Can, le rocher des Fées (Barre-des-Cévennes), isolé par l’érosion, porte plusieurs dizaines de croix gravées sur sa face méridionale, et des bassins plus ou moins naturels au sommet. D’autres cupules se remarquent aux abords des Balmes (Barre-des-Cévennes) et, au nord, sur les grès tabulaires qui dominent la route de Barre à Saint-Julien-d’Arpaon (I).
Au nord du hameau de Ferrières, à la cote 1045 (carte I.G.N. au 1/20.000, Génolhac 5-6), parmi quelques blocs calcaires dégagés du substratum, le plus volumineux porte un ensemble de creux artificiels (cupules, bassins et rigoles) qui ont donné leur nom, les Conques, au lieu dit. Il est composé de calcaire jaunâtre, en table grossièrement ovale et bosselée, longue de 2,90 m., large de 1,60 m., épaisse de 0,70 m. Les cupules s’ordonnent autour de deux bassins principaux.
Le groupe oriental, encadre un bassin profond de 0,25m. cylindrique à sa partie inférieure, irrégulièrement évasé sur les bords. En période de pluie, il se remplit d’eau; Des rigoles convergent des cupules vers lui. Trois de celles-ci, au nord, sont en outre unies par des rigoles. La cupule méridionale de l’auréole possède un déversoir supplémentaire vers l’extérieur.
Les cupules du groupe occidental n’ont pas de rigole, mais le bassin, profond de 0,13 m, est relié par un déversoir à une gouttière naturelle de la roche. Plusieurs cavités moins nettes (en pointillé sur le croquis) apparaissent à chaque extrémité. Elles sont analogues aux trois cuvettes d’un deuxième bloc (1,70 m. sur 1,20 m. et 0,50 m. d’épaisseur), couché à quelques pas du premier, sur l’authenticité desquelles il est difficile de se prononcer.
Le sommet de la croupe ne laisse apercevoir aucun Ves- tige archéologique qui permettrait d’avancer une hypothèse plausible sur l’âge et la destination des Conques oubliées dans le folklore local. A un kilomètre à l’ouest, le monument le plus proche serait le tumulus de la Can d’Artigues, daté du premier âge du Fer, établi au bord de la grande draille de transhumance qui traverse la Can en direction du Mont Lozère et de la Margeride (2).
Par sa position, le rocher des Conques correspond à certains blocs à cupules situés en marge des crêtes principales des Cévennes, sur des promontoires. Par leur forme cylindrique, ses bassins rappellent tel bassin aménagé dans un menhir renversé du Causse Méjean, aux limites d’Hures et de Gatuzières, à une centaine de mètres au sud de la cote 1140 (Gatuzières). Un autre menhir abattu, au nord de la cote 1034 sur les limites de Florac et de Montbrun, porte un bassin parallélipipédique. Il est probable qu’un instrument en fer a servi au creusement, ce qui serait un indice de relative Jeunesse (3).
Dans la combinaison des cupules, des bassins et des rigoles, les bassins jouaient de tout évidence un rôle essentiel. Ce ne sont ni des amusements de bergers désœuvrés -sauf exception -, ni des mortiers, mais plutôt les témoins de rites religieux dont les documents d’archives et la tradition orale n’ont pas conservé de traces. Parfois, la légende s’en est emparée, par exemple à Vieille Morte. Il est vraisemblable que les Conques ont même origine que les cupules dont sont criblés, à quelques kilomètres au levant, les pointements schisteux de Saint-Clément (Saint-Martin-de-Lansuscle) et des Fares (Sainte-Croix-Vallée-Française), ou que celles des cols de Salidès (Bassurels) et de l’Espinas (Saint-André-de-Valborgne et les Plantiers), vers le midi (4).
Nos collègues, M. LOUIS, M. LAPIERRE, P. MARCELIN et I J. SALLES, ont entrepris depuis de longues années le recensement inépuisable des pierres à cupules cévenoles, souvent voisines de mégalithes et de tumulus. Nous versons au dossier le rocher de Ferrières qui est un élément inédit et remarquable sur le calcaire, au contact des Cévennes et des Causses, tout en nous abstenant de pénétrer dans le domaine mouvant des interprétations que seule une étude générale justifierait.
Camille Hugues
Bibliographie
(1) LAPIERRE M. et MARCELIN P. « — Cévennes et Préhistoire. -Causse-, et Cévennes, Revue du Club Cévenol, 1946, N° 1, et 1947, N° 1. -I DHOMBRES J. -Lou Ro de las Fados, id., 1961, N° 1.
(2) HUGUES C. -Deux tumulus du Causse Noir et de la Can d’Artigues. -Revue du Gévaudan. 1960, n° 6.
(3) HUGUES C. -Préhistoire du Causse Méjean oriental. -Congrès Préhistorique de France, Paris, 1950.
(4) LAPIERRE M. et LOUIS M. La légende de la Peiro de la Vieio. – Revue de Folklore Français et Folklore Colonial, Mai, Juin 1932.
LAPIERRE M. – Vieille Morte. -Causses et Cévennes 1937, N° 1.
LAPIERRE M. -Saint.Clément, id., 1937, N° 4. LOUIS M. -Pierres à cupules dans les Cévennes schisteuses. –, Revue d’Etudes Ligures, 1947, N° 1-2
SOUTOU A. -Vieille Morte. -Revue Internationale d’Onomastique, Septembre 1954.