Les premiers utilisateurs connus du castelas de Saint Laurent de Trèves sont des petits dinosaures de l’espèce « grallator minusculus » dont on peut voir les traces sur le plateau (notamment grâce à un sentier de découverte créé par le Parc National des Cévennes).
A l’époque le castelas ne ressemblait pas à ce qu’il est aujourd’hui : il n’était qu’une petite partie d’un vaste rivage entourant une mer peu profonde. Les grallators ont laissé leurs empruntes une boue calcaire qui, grâce à un certain nombre de conditions rares, ont été recouvertes par des couches ultérieures sans être abimées, ce qui les a protégées de la destruction. L’érosion, en décapant les couches qui les recouvraient, les a rendues à nouveau visibles à la surface du castellas. L’essentiel du plateau est enherbé, mais les trois zones distinctes où la roche est visible laissent apparaître un ensemble de 24 traces très nettes, d’une longueur de 15 à 25 centimètres. Elles sont gravées sur deux niveaux distincts situés environ 35 centimètres l’un en dessous de l’autre. Des polygones de dessication apparaissent sur la surface de la roche. Certaines sont alignées et permettent de reconstituer un tronçon de trajectoire de leur propriétaire, qui devait avancer tranquillement, en faisant des enjambées de 1 mètre 20 à 1 mètre 40.
Ces fameuses traces ont peut-être contribué à renforcer la singularité du site aux yeux de ses utilisateurs successifs… Comment ne pas croire qu’un homme de la fin du néolithique ait pu être frappé par ces signes gravés dans la pierre, signes qu’il n’a probablement pas correctement interprétés car de dinosaures, il n’en a jamais vus ! Je fais l’hypothèse que ces empreintes ont à quelque chose à voir dans l’utilisation cultuelle du site.
D’après un article de Mr Bernardsky, géologue du BRGM à Florac, au début du XXème siècle, seule une trace est visible, « sur une plaque érodée et noircie par les intempéries ». Ce seraient « des curieux et des géologues » qui, par curiosité, auraient dégagé des zones voisines et trouvé de nouvelles empreintes. Il est tout de même probable qu’à l’époque de la construction du château (au XIIIème siècle ou avant) la surface du plateau ait été nettoyée jusqu’à la roche pour disposer d’une surface plane et pratique, et que de nombreuses traces aient été visibles. Elles ont probablement ensuite été recouvertes par les gravats de la destruction de l’édifice, puis la terre et l’herbe qui se sont accumulées avec le temps.
Ces curieuses formes gravées dans la roche étaient connues de tous temps par les habitants de Saint Laurent, mais de nombreux témoignages racontent qu’elles étaient interprétées comme des fleurs de lys gravées dans la roche autour du château médiéval qui a existé à cet endroit jusqu’au XVIIème siècle.
Il faut attendre 1935 pour rencontrer la première mention écrite de l’existence de traces de dinosaures à Saint Laurent de Trèves. Un certain Mr. Monod publie dans la revue du Club Cévenol de cette année des photos montrant des gens en train de mouler les empreintes avec une légende explicite : « Moulage de traces de dinosaures ». Mr Monod était sans doute un amateur très éclairés, car à cette époque les scientifiques ne semblent pas avoir connaissance de ces traces, ou du moins ne les interprètent pas encore comme telles. Les premières traces de grallator identifiées comme telles furent découvertes en 1960 près de Lodève au lieu-dit « l’oppidum de Grézac ». Louis Thaler, ayant relaté cette découverte dans un quotidien régional, est alors contacté par le fameux Mr Monod qui lui signale l’existence d’empreintes similaires à Saint Laurent de Trèves. Louis Thaler entreprend alors une étude détaillée des empreintes, ce qui aboutit à une première publication scientifique en 1966 dans le « Compte rendu sommaire des séances de la société géologique de France » n°7 du 18 juin 1962, page 90.
Les traces existent !
Enfin… plus ou moins. En ce début de XXIème siècle, il m’arrive de croiser des anciens qui disent « Des traces de dinosaures ? C’est ce qu’on dit, oui. Mais moi, j’y ai jamais cru ! ».
Inversement, plusieurs personnes qui m’ont affirmé que le découvreur des traces était leur grand-père (ou leur cousin, ou leur marraine selon le cas…). Ceci semble montrer que les traces sont maintenant considérées comme faisant bien partie de ce pays.