Les rapports américains (0.S.S.) et anglais (S.O.E.) envoyés au Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale ont permis à M. A. Calmette de présenter les équipes Jedburgh dans la Revue d’histoire de la Ile Guerre mondiale (116).
Elles furent conçues au début 1944 par l’état-major interallié pour établir un contact plus étroit et plus militaire avec une force intérieure d’une réelle efficacité, possible si on l’encadrait et l’armait un peu plus sérieusement; d’où la constitution de 87 équipes » Jedburgh » (le nom d’un bourg écossais près de la frontière anglaise) dont 25 en Afrique du Nord, différentes des équipes O.G.O. et S.A.S chargées d’une mission particulière et complètement autonomes. Un officier anglais ou américain et un officier ou sous-officier anglais ou américain, parfois français, formaient l’équipe entraînée dans une école spéciale du Lancashire, du Gloucester ou à CherChell, tous étant volontaires et parlant peu ou prou le français (saut en parachute, connaissance des trois armements alliés, des explosifs, de la guérilla, du sabotage).
Puis à Milton Hall on leur apprenait à vivre dans les bois, dépecer un mouton, les longues marches et les fuites rapides, l’usage de la radio et le morse en cas de décès de l’opérateur et de véritables manœuvres eurent lieu. Enfin, les partenaires se choisissent (mars 1944 : début de la » saison des amours ») librement et vivant ensuite en commun dans le travail et le repos pour être parfaitement solidaires le jour venu.
Mission : parachutés en uniforme, affectés en généra! à un département, ils devaient rencontrer les chefs (ou agents secrets) et enquêter sur la valeur des Forces de l’intérieur puis organiser, encadrer, armer, financer, suivant les besoins constatés. Ils devaient trouver les D.Z. (dropping zones) pour parachutages et atterrissages, les effectifs réels et possibles, la valeur de l’encadrement, les coordonnées des D.Z. et besoins en armement (ou en vivres et médicaments) étaient indiqués à Londres. Ils devaient ensuite instruire les F.F.L avec l’armement britannique et les explosifs, évitant de se mêler aux conflits entre elles mais assurant éventuellement le groupement et l’encadrement.
Dans le centre de la France, à cause de l’effet de ventouse provoqué sur les troupes allemandes par le débarquement en Normandie qui ne laisse d’occupants que dans les villes importantes et les postes stratégiques (contrairement à ce qui se passait en juin et juillet en Bretagne), les éléments » Jedburgh » ont été déçus parfois par la facilité de leur mission. C’est surtout en juillet et en août qu’ils furent parachutées au sud de la Loire et dans le Massif central. Presque tous les rapports des Jedburgh de ces régions expriment le regret d’une arrivée trop tardive qui ne leur a pas permis d’exécuter leur mission aussi complètement qu’ils auraient pu et voulu.
En effet, parachutées après le débarquement de Provence pour préparer l’avance alliée en août et septembre » beaucoup d’entre elles ont été heureusement surprises par l’arrivée rapide des colonnes alliées et ont à peine eu le temps de contacter les F.F.I ». Elles ont pu servir de liaison entre les F .F .I et les colonnes, renseigner et guider les Alliés.
Par ailleurs, les agents se plaignent de ne pas avoir obtenu les parachutages demandés et de devenir par là quelques peu suspects aux yeux des F.F.I. Profitant de l’effet de surprise et habiles à décrocher ils eurent des pertes faibles. Pour la valeur de l’effectif global d’un demi bataillon : deux tués (dans les Vosges) et onze blessés (en général légers et le plus souvent en arrivant au sol) et, au combat, huit tués, deux prisonniers ; au total, dix tués (dont trois fusillés) et avec les blessés, moins de 10% de pertes !
La carte « Jedburgh teams dropped into France, june -september 1944 » de la section géographique des services du ministère de la Guerre britannique n’indique au sud de la latitude de Bordeaux d’autres équipes que « Bugatti » tombée au nord du département des Hautes-pyrénées fin juin ou, en lisière nord, » Quinine » tombée après le débarquement de Normandie (9 juin) dans le Lot et, à la fin du même mois, » Willys » dans la moitié nord de l’Ardèche et » Chlroform » dans les Hautes-Alpes.
C’est seulement dans les jours (ou les heures) qui précédent ou suivent le débarquement de Provence que tombent les équipes Jedburgh au sud du 45. parallèle, entre le 1er et le 17 août (jour de la décision d’évacuation du Sud par le quartier général allemand) !
Trois en Provence (R.2), cinq dans le bassin aquitain autour de Toulouse (R.4), en Ariège, Gers, Tam-et-Garonne, trois pour le sud du Massif central qui nous intéresse ici: « Packard », le 1er août pour la Lozère méridionale (à Quincaille), « Collodion » le 7 pour l’ Aveyron (en fait tombée dans le sud-ouest du Cantal sur « Chenier »), « Minaret » le 14 pour les Cévennes gardoise (à Quincaille).
Elles rencontrent des routes généralement libres (sauf rencontre de colonnes), bourgades et villages passés sous le contrôle du maquis, possibilité de trouver des transports (camions gazogènes) parfois même des hôpitaux et de véritables services téléphoniques organisés pour les F.F.I.
Quel fut le bilan général ? Stewart Alson dans O.S.S., l’Amérique et l’espionnage, essaie d’évaluer l’efficacité: « il serait ridicule d’utiliser les listes d’Allemands tués, des ponts sautés, des trains déraillés, des renseignements transmis et ainsi de suite, pour donner un reflet de leurs exploits. C’est au crédit des hommes de la Résistance seuls qu’il convient évidemment de porter ses statistiques… Tous les « Jeds » de toutes nationalités n’atteignaient pas les effectifs d’un demi bataillon. Il est évident qu’un si petit nombre d’hommes ne pouvait jouer aucun rôle décisif. Mais les résistants qui ont connu les « Jeds » et qui ont reçu, grâce à eux, les parachutages si nécessaires, reconnaissent que combattre les ennemis à l’intérieur de leur pays aurait été bien plus difficile s’ils n’avaient pas été aidés par l’opération Jedburgh.