A l’aube de l’époque gallo-romaine, le site de Saint-Laurent-village est déjà occupé par l’Homme depuis longtemps. C’est tout naturellement que l’homme continue à occuper le site, dont la position est exceptionnelle (replat, position stratégique, eau à proximité). De fait, de nombreuses traces sont là pour en témoigner sans ambiguïté. Sur le versant sud du Castelas, on a trouvé de nombreux fragments de tegulae (tuiles d’argile caractéristiques de l’époque romaine) qui prouvent l’existence de bâtiments à cette époque. Déterminer leur position exacte est plus difficile car il n’en reste aucuns murs ni fondations visibles. Le versant sud du castelas présente l’intérêt d’être bien protégé des vents du nord, mais la pente assez raide ne laisse pas beaucoup de possibilités de construction. Sans doute les bâtiments étaient-ils donc plutôt construits sur le plateau. On n’en trouve plus trace aujourd’hui car à la construction du château, vers le XIIIème siècle, un « ménage » a été fait sur le plateau : tout ce qui était utilisable pour la construction a été récupéré, le reste a été évacué dans les pentes alentour, et les débris ont peu à peu dévalé la pente, on en retrouve des dizaines de mètres plus bas.
Quelle était la nature de l’occupation du site ?
En 1802, Mr. Bancilhon, notaire à Saint Laurent, découvre au pied du castelas une citerne dépendant du château. En la fouillant, il trouve une pierre gravée, qui se révèle être un autel votif datant de l’époque gallo-romaine. L’objet mesure 50 cm de hauteur sur 28 cm de largeur et 32 cm aux corniches. On y lit l’inscription suivante :
MA(rti). TRIT
VLLO
CONS
ACRANI
V(otum) S(olvit) L(ibenter) M(erito)
D. Fabrié traduit ainsi cette inscription : « A mars Tritullus, les membres de la confrérie avec reconnaissance en accomplissement de leurs voeux ». (lpj, P. 82). Cet autel aurait donc été dédié à Mars Tritullus, dieu de la guerre, et protecteur du pays. Au même endroit, il fut également trouvé une table de marbre blanc de 0,68 m de côté sur 0,10 m d’épaisseur. Des fragments de sculptures paraissant provenir d’un monument ont été trouvés près de la route.
Le site du Castelas a donc vraisemblablement accueilli un fanum, petit temple rural gallo-romain. Il a peut-être été installé sur le site d’un lieu de culte gaulois précédent, comme cela se voit souvent.
Mais la présence gallo-romaine ne s’est pas limitée à la religion. La vie « ordinaire » et terrestre y a également été dynamique. De nombreux débris de céramiques ont été trouvés un peu partout et attestent ce fait (slt, p.3). Le même Bancilhon que celui de l’autel, en faisant défricher un terrain, découvrit un grand nombre de tombeaux en ardoise (un seul était construit en brique). La taille de ce cimetière semble montrer que la population a laquelle il a servi était plus importante que celle du Saint Laurent du XIXème siècle !
Saint Laurent était donc probablement et tout simplement un village gallo-romain, avec tout ce qu’il fallait pour mener une vie ordinaire. Il fonctionnait probablement en complémentarité avec les villaes (établissements agricoles) dont on trouve trace sur le plateau, à quelques centaines de mètres seulement.
Peut-être le village a-t-il accuelli un hôte de marque : à la suite de la découvert de l’autel, de la table de marbre et des sépultures, et après avoir étudié le texte écrit par Sidoine Appolinaire (« Propempticon ad libellum ») qu’il adresse à son ami Tonance Féréol, Mr Bancilhon et plusieurs historiens voient en Saint Laurent de Trèves le village natal de Tonance Féréol, préfet des Gaules au Vème siècle et considéré comme la souche des rois mérovingiens et le grand-père de Saint Firmin. Saint Laurent de Trèves serait alors le Trévidon du Vème siècle dont parle Sidoine Appolinaire dans son épitre, maison de campagne ou Tonance Féréol se serait retiré avec ses parents pour ne pas tomber sous le joug des wisigoths devenus les maîtres du Languedoc. Cependant, d’autres historiens situent Trévidon à Trèves, dans le Gard, près du Vigan, au pied du massif de l’Aigoual.