Au citadin, les pistes apparaissent généralement comme des lieux inquiétants. On ne s’y aventure que rarement, à l’occasion de vacances à la campagne, en ayant l’impression de vivre, justement, une aventure extraordinaire. Il en va tout autrement lorsque l’on habite en milieu rural. Ces itinéraires capricieux et aléatoires constituent les accès uniques d’une partie des lieux où la vie ordinaire nécessite de se rendre : chez des ami.e.s qui habitent une maison à l’écart, au point de départ d’une balade du dimanche, ou sur un site de récolte de bois de chauffage.
Vivre en Cévennes implique donc de compagnonner avec les pistes. De la meilleure à la pire, il faut apprendre à adapter sa conduite à des surfaces rugueuses ou glissantes, dures ou spongieuses, sinueuses ou rectilignes, planes ou outrageusement cabossées, couvertes d’herbe ou de graviers… C’est un apprentissage permanent, certain.e.s ne s’y habituent jamais, d’autres se régalent à se jouer des contraintes… parfois jusqu’à l’incident (prévoir un budget réparation plus conséquent qu’en ville)
Au delà de sa fonction première, la piste apporte beaucoup à qui sait en profiter : elle met en relation plus intime avec le territoire. J’ai lu quelque part que « la différence entre une piste et une route, c’est que la route est posée sur le paysage, alors que la piste est dans le paysage ». La nuance me parle. Rouler sur une piste me donne toujours la sensation d’être un tout petit peu moins enfermé dans mon véhicule, presque au contact avec la nature environnante. En portant mon regard au loin je pourrais parfois me croire cavalier mongol chevauchant dans les steppes d’Asie Centrale.
La piste me donne aussi l’impression d’être un privilégié : c’est l’accès secret, la « porte de derrière », celle que ne connaissent que les intimes du pays. La meute emprunte les routes.