Le Mont Lozère n’est pas un massif qui fait spontanément penser au calcaire, que l’on associe plus naturellement aux causses voisins. Il est pourtant recouvert d’un petit ensemble calcaire dans sa partie ouest, comme le montre très bien cette carte géologique : la tache rouge au centre représente le granit du cœur du massif, elle est essentiellement bordée par du vert (le schiste), mais aussi par un peu de bleu (le calcaire, donc). Cette tache bleue est appelée la can des Bondons (le terme local de « can » désigne un petit plateau, généralement calcaire mais il existe des exceptions).
Il y a 60 millions d’années, à la fin du crétacé (époque à laquelle se sont formés les derniers calcaires), cette can n’était pas isolée comme aujourd’hui. Elle faisait partie d’un immense ensemble calcaire indifférencié, dont elle formait l’ultime avancée à l’ouest, recouvrant en partie les granites du futur mont Lozère. A partir du pliocène, vers -13 Millions d’années, l’ensemble se soulève et les rivières des environs (futures Tarn, Tarnon, Jonte, etc…) acquièrent un fort pouvoir érosif. Elles creusent des vallées larges et profondes (au XIXè siècle, le géographe-spéléologue Martel parlait de « canyons », par comparaison avec ce qu’il avait pu voir au Colorado), qui découpent cet ensemble unique en causses différenciés : Méjean, Sauveterre, Causse noir, Larzac, Can de l’Hospitalet etc… et notre can des Bondons. (J’ai décrit un peu plus en détail cette histoire géologique passionnante dans un autre article).
Cette can est elle-même très découpée. De nombreuses petites rivières orientées nord-sud et plus ou moins parallèles ont découpé le versant sud en crêtes qui se détachent du plateau et descendent progressivement vers le sud. La plupart de ces crêtes mesurent 2 à 3 kilomètres de long et ménagent entre elles des petites vallées au profil en V très caractéristique, dont les pentes raides dénuées d’arbres semblent peu fréquentées par l’homme. Trois crêtes sont nettement plus longues que les autres (le Pucheral, la cham de Colas et la Girelle). Elles courent sur 6 à 8 km et viennent mourir au dessus du haut Tarn, encadrant des vallées longues et profondes, plus humanisées (Malbosc, Colobrière)…. une infinité de découvertes à faire.
Ayez donc conscience que lorsque, un kilomètre après avoir quitté Cocurès en direction du Mont Lozère par la D135, vous vous glissez entre le Pucheral et le serre de Girelle, vous pénétrez dans une zone à part : une enclave calcaire en pays granitique. Mais la ligne de contact entre les deux est sinueuse, découpée, et l’on pourra passer de l’un à l’autre sans cesse… et parfois sans s’en apercevoir si l’on n’y prend pas garde. La balade présentée ici se propose de faire une petite boucle à la frontière des deux mondes. Elle démarre d’ailleurs à la périphérie de l’enclave calcaire.
Garez-vous à Ruas et prenez le PR qui monte au col de la pierre plantée. Si vous êtes baroudeur.euse, à mi hauteur vous pourrez quitter le sentier en direction du nord pour aller visiter une curieuse formation géologique (marquant justement l’arrivée dans le calcaire), décrite ici. Au col, suivez le PR plein nord, visitez au passage une petite grotte située en versant sud-est, qui vous permettra de pique-niquer à l’abri du vent s’il y en a. A partir de là je vous conseille de quitter le PR pour rejoindre le plateau au « truc », vous aurez une vue plus large. Continuez plein nord jusqu’au Bosc Arnal. De là part un sentier peu marqué qui descend dans le vallon de Combebelle. Entrez dans la combe de Runes et rejoignez Treimes Pour le retour je vous conseille un chemin qui part à flanc en direction du sud et remonte progressivement sur le plateau. Il se perd un peu parfois mais cela passe partout. La descente se fera hors sentier, sur une arête peu marquée. Le passage du calcaire au granit est ici assez impressionnant. Descendez jusqu’à la route qui vous ramènera à Ruas.