La grotte de Nabrigas est une petite perle posée sur le rebord sud du Causse Méjean, au dessus des gorges de la Jonte. Je ne vous en dirais pas tellement plus sur sa localisation car il faut lui laisser une certaine tranquillité. Elle est portée sur la carte IGN 25.000ème. Les courageux tenace la trouveront facilement, les autres en rêveront.
Car il y a de quoi rêver, à Nabrigas. Ca commence avec le site, impressionnant, grandiose, perché au dessus des gorges de la Jonte. Atteindre l’entrée représente déjà en soi une balade magnifique. Il y a aussi l’entrée : après une marche brulante l’été ou glaciale l’hiver l’entrée, protégée par les arbres d’un petit bois, apparaît comme un havre d’intimité.
Un porche partiellement muré, et on pénètre dans une première salle vaste, tiède. Le sol, couvert d’une épaisse couche de fumier de brebis, est souple sous le pas. Marcher dessus est agréable, et cette masse molle assouplit aussi l’ambiance sonore qui est plus feutrée que d’ordinaire en milieu souterrain.
Au delà de cette première salle, la grotte s’organise autour d’une galerie principale, confortable, où l’on est presque toujours debout, s’élargissant régulièrement en petites salles , lançant de-ci de-là des galeries secondaires peu développées, nécessitant parfois de se mettre à quatre pattes. Pas de risque de se perdre, pas de dangers autres que celui de se cogner dans les parties basses. On peut tout explorer à sa guise, flâner…
Nabrigas n’est pas une grotte prétentieuse : ici, point de concrétions géantes ni de gours bleu turquoise. Tout est dans le détail. En de nombreux endroits, les parois prennent des formes torturées et acérées originales. Les plafonds sont recouverts de figures de boue travaillée par l’humidité. Elles sont d’une grande diversité, et changent avec le temps, on peut passer des heures rien qu’à les regarder.
On ne s’étonne pas que les hommes aient choisi de s’installer là depuis longtemps. Car il y a eu du monde, ici, depuis le paléolithique, puis à toutes les époques. C’est là, dit-on, qu’au XIXème siècle Edouard Alfred Martel a commencé sa carrière d’homme des profondeurs, happé par la passion de l’archéologie avant de, plus tard, se consacrer plutôt à la spéléologie sportive et exploratoire. Il a en particulier laissé sa trace dans un petit endroit de la grotte, appelé la « poche Martel », murée à l’époque, mais que son œil explorateur a détecté alors que tout le monde n’y voyait que du feu. Sa fouille a mis au jour un petit trésor, des ossements d’animaux préhistoriques, des débris de poterie… Tout cela a disparu depuis longtemps.
Témoin des visites incessantes, à Nabrigas on peut lire des centaines d’inscriptions, tracées ou gravées sur les parois, témoins des nombreuses générations d’explorateurs qui s’y sont succédées. A chaque époque sa graphie, c’est assez émouvant. Cela donne à réfléchir sur la pertinence ou non de graver soi-même son propre nom dans la roche. Cette pratique est très critiquée, et je le comprends, mais à Nabrigas on comprend que toute inscription humaine prendra un jour de la valeur, lorsque les siècles lui auront passé dessus? Alors ?
Au fond de l’une des galeries, un panneau de roche tendre est couvert de striures profondes. Les griffures d’un ours des cavernes préhistorique. Belle récompense.
A Nabrigas il y a tout.
Merci à Daniel André et Jean-Yves Boutin pour leurs informations passionnées concernant la grotte de Nabrigas.