Pour une fois, je m’attelle ici à décrire une destination touristique tout à fait homologuée. Le château de Blanquefort dispose en effet de son étoile rouge sur la carte IGN au 25.000ème. Ceci atteste la présence d’un site remarquable, mais aussi probablement de son accessibilité en voiture ! Les Cévennes sont bourrées de lieux tout aussi étranges ou fascinants, mais hélas (ou plutôt heureusement) dépourvus d’accès simples, ce qui les met à l’abri de l’invasion et permet aux amoureux d’émotions silencieuses de trouver leur bonheur.
Toujours est-il que Blanquefort, tout pourvu qu’il soit d’un parking attitré et donc d’un flot de touristes durant la belle saison, mérite le détour. Etant ici à l’extrême limite occidentale de « mes Cévennes », je n’avais jamais entendu parler de cet endroit. C’est dans une drôle de circonstance que j’y vins : par une suite de hasards bizarres dont il sera peut-être question un autre jour dans ce site, j’avais été embauché deux jours par une maison de production cinéma pour faire du repérage de sites avant le tournage du film « Blanche ». Je devais trouver « quelque chose » qui conviendrait pour faire office de planque pour une bande de brigands. Grâce à quelques coups de fils à des copains connaissant particulièrement bien les environs j’avais rapidement collecté une trentaine de références de sites à visiter. Me voilà donc parti sur les pistes des Cévennes avec mon appareil photo. Mon périple me mène dans les vallées schisteuses, au Mont-Lozère, et enfin sur le Causse Méjean dont j’entreprends méthodiquement le tour. L’arrivée sur Blanquefort se fait par une route qui se faufile entre les tours de calcaire dolomitique. Avant même que le château soit visible le site est déjà magnifique.
Une fois en vue, il n’est d’ailleurs pas terriblement impressionnant. Le terme de « château » paraît quelque peu exagéré : il s’agirait plutôt d’un vaste abri fortifié, vu la situation j’imagine volontiers un site de guet, chargé de surveiller les gorges. Il est par contre très bien construit. De toute évidence, la maçonnerie a été réalisée par des pros, et très soignée. Ca n’a pas empêché les murs de payer leur tribut au temps qui passe. Une partie des pierres a déjà repris le chemin des écoliers.
Immédiatement, je trouve fantastique l’idée de placer ici un repaire de brigands. L’ambiance est idéale : vue fabuleuse sur les gorges, coins et recoins divers, dissimulés par la végétation… En faisant le tour du piton rocheux, je découvre même l’entrée d’une grotte, qui pourrait être interprétée comme la sortie d’un souterrain… Dès qu’on lui donne un support, l’imagination fonctionne à plein ! Hélàs, l’accès à cette petite merveille est un vrai problème : 200 m de sentier escarpé ça n’est pas grand chose pour un touriste chargé de son seul appareil photo, mais pour une équipe cinéma c’est une autre affaire. Je ne vois guère où se gareraient les 20 camions de la caravane technique, ni comment le matériel pourrait être acheminé jusqu’aux ruines.
C’est donc uniquement pour le plaisir des yeux et avec moult avertissements concernant les difficultés logistiques que j’ai envoyé ces photos par mail à Paris au réalisateur du film. Comme de bien entendu il a immédiatement eu envie de situer son repaire de brigands ici même ! Son assistant, tout en me maudissant, a finalement réussi à le convaincre de s’installer ailleurs : le projet s’est finalement réalisé à la ferme de Paillasse sur le Mont Lozère.
Je n’ai pas vu le film, au dire de ceux qui l’ont vu il n’est pas terrible voire carrément nul… Moi, c’est pas pour, dire, hein, mais avec Blanquefort comme repaire de brigands il aurait fait un tabac, ça c’est sûr !