Sans cesse, au cours de nos balades, elles apparaissent au détour du chemin. Les Cévennes en sont pleines. Riches, oserais-je dire. Car si elles résultent d’une déchéance, d’une disparition, elles sont aussi les témoins, presque vivants, de ce qui a été. En tant que telles, elles font partie du patrimoine local, d’une autre manière qu’un bâtiment qui ne branlerait pas. Elles questionnent notre imaginaire, obligent à inventer une partie de l’histoire, quand ce n’est pas toute l’histoire. Elles génèrent du rêve.
Les plus anciennes, vestiges de châteaux-forts médiévaux, d’oppida Gallo-romains ou d’habitats troglodytiques, concernent la Grande Histoire. Je les aime énormément, mais ce ne sont pas celles auxquelles je souhaite m’intéresser maintenant. Je veux rendre hommage aux ruines populaires, ces jeunes ruines que les plus anciens ont connues debout.
Jusqu’à la première moitié du XXème siècle, la Cévenne bruissait d’une intense activité, les moindres parcelles étaient cultivées, les hameaux étaient pleinement habité. Chaque bâtiment comptait, pour y habiter, y travailler, y stocker des récoltes, du matériel… La Ruine populaire n’existait pas encore. Ou si peu. Je souris toujours en regardant les films d’époque concernant les Cévennes (comme Les camisards, par exemple), quand j’y vois de nombreuses ruines parsemer les paysages du XVIIème siècle…
Non, en Cévennes, la ruine populaire est une invention récente. La ruine est moderne, pourrait-on dire. Comme le genêt, ou le tourisme de pleine nature.
Il arrive que la ruine se soit emparée d’un hameau entier. Il s’agit généralement d’endroits inaccessibles par route ni même piste. Ici, il n’a pas été possible de maintenir la vie lorsque les campagnes se sont dépeuplées. Même les plus enhardis des acteurs du retour à la terre n’ont pas eu le courage de s’atteler à restaurer ces villages qui leur étaient pourtant offerts. On erre alors, sans comprendre, au travers de villages morts, silencieux.
magnifique évocation. merci !