L’itinéraire que je vais présenter ici est le plus accessible que j’aie pratiqué à ce jour. La dénivelée montante est très raisonnable (moins de 3000 mètres en 5 jours), les difficultés techniques sont faibles, les échappatoires sont nombreuses en cas de problème, les itinéraires sont faciles à trouver, l’altitude raisonnable (3600 mètres au maximum) n’expose pas au mal de l’altitude. Bref, il pourrait s’agir de LE itinéraire d’initiation au raid de haute montagne. Il peut également être considéré comme une balade d’acclimatation avant un itinéraire plus élevé et plus engagé.
Il s’agit donc de réaliser la traversée des « Glaciers de la Vanoise », du nord au sud. Il existe beaucoup de glaciers en Vanoise (bien que leur nombre diminue chaque année), mais cette expression désigne, de manière conventionnelle, l’ensemble de glaciers interconnectés qui s’étendent entre le Col de la Vanoise au nord et la dent Parrachée au sud, sur une distance d’environ 12 kilomètres. J’ai lu quelque part qu’il s’agirait de « la plus grande calotte glaciaire d’Europe ». Cela a peut-être été vrai il y a quelques décennies. Cela restera peut-être vrai encore quelques années. Mais le réchauffement climatique est à l’oeuvre. De nombreuses langues glaciaires on fortement diminué, et cet ensemble certes encore imposant ne va pas tarder à se fractionner en plusieurs tronçons séparés par des bandes purement minérales. Le glacier de Roche Ferrand, au nord, va bientôt se retrouver isolé du glacier du Pelve. Plus au sud, les glaciers du Génépy sont déjà presque séparés du glacier de l’Arpont.
Bref, il est temps de réaliser la traversée des glaciers de la Vanoise avant que cela ne soit plus possible. Et nous pourrons bientôt dire « Nous y étions » à nos petits enfants émerveillés par nos exploits formidables.
Voici donc ce que je vous propose :
Jour 1 : de Pralognan-la-Vanoise au col de la Vanoise (1600 m – 2650 m)
Cette première journée se réalise entièrement sur sentier. Depuis le hameau des Fontanettes, au dessus de Pralognan, prendre la direction du col de la Vanoise, soit par le GR 55, soit par la variante du Vallon de l’Arcelin. Au refuge, prendre le sentier de l’Arcelin. Au bout de 250 mètres, le quitter pour emprunter plein sud un petit sentier secondaire qui longe un épaulement herbeux. Monter jusqu’au pied de la moraine. Il y a là un beau replat herbeux accueillant, le dernier avant le monde minéral qui sera le vôtre pour quatre jours. Plantez-y le camp. Vous pourrez pique-niquer en contemplant la face sud de la grande Casse, toute proche.
Jour 2 : Au dessus du col de la Vanoise – Dôme des Sonnailles (2650 m – 3361 m)
La première heure de cette seconde journée sera consacrée à rejoindre le glacier. Cela peut se faire de plusieurs manières :
- Soit en rejoignant, presque plein sud, un petit lac glaciaire (2686 m), puis en obliquant légèrement vers l’ouest pour passer au pied des rochers du Génépy.
- Soit en allant chercher l’extrémité est de la longue barre rocheuse qui surplombe la moraine. Tout au bout, la falaise est coupée par une coulée de moraine franchissable
- Soit en franchissant cette même barre rocheuse au sud-est su petit lac, par une autre coulée morainique (un chemin est tracé). C’est l’option que j’ai choisie.
Le glacier de Roche-Ferrand est ce qu’on peut appeler débonnaire, car sa pente est très faible et il ne présente que très peu de crevasses visibles (cela ne dispense pas de s’y encorder !). On s’y croit sur la calotte Antarctique plus que sur un glacier de montagne. Le remonter en direction du sud-ouest jusqu’à un col très vaste et très plat entre la Pointe du Dard et la « Pointe ouest du Mont Pelve ». De là, les puristes qui souhaiteraient enchaîner tous les Dômes sans en manquer un seul peuvent faire un crochet par la Pointe du Dard (3204 m) qui ne coûtera qu’une centaine de mètres de dénivelé sur des pentes douces. Notez qu’il aurait également été possible, un peu plus tôt dans la montée vers le col, de gagner plein sud le Mont Pelve (3260), sommet de la longue arête rocheuse au pied de laquelle naît le glacier de la Roche Ferrand.
Redescendre ensuite vers le glacier du Pelve en passant au pied de la « Pointe ouest du Mont Pelve ». A nouveau, on débouche sur un col très vaste et très plat (les glaciers de la Vanoise sont riches en cols très vastes et très plats, vous le constaterez rapidement). Deux options sont possibles pour remonter en direction du Dôme des Sonnailles :
- Contourner par l’est le nunatak rocheux qui émerge au sud-ouest du col, et s’engager dans un versant neigeux ample. C’est l’itinéraire classique, je pense (bien que je n’en sache rien, en fait)
- Contourner ce nunatak par l’ouest, et emprunter, quelques centaines de mètres plus au sud ouest, une épaule de neige qui permet de gagner le sommet de l’arête rocheuse.
C’est cette seconde option que je vous suggère bien sûr, les paysages et l’itinéraire sont plus variés car la traversée rocheuse s’avère rigolote et pleine de petites surprises paysagères. Une fois franchie l’arête, prendre au sud le long des rochers et gagner facilement le Dôme des Sonnailles (3361 m). L’endroit ne ressemble guère à un sommet. Ses reliefs très atténués le font apparaître comme le simple rebord du vaste plateau neigeux qui se dévoile maintenant au sud. C’est sans doute depuis la vallée que les effets de la perspective l’individualisent du reste du massif et lui donnent des allures de Dôme à part entière.
Il est facile et confortable de poser le camp sur le replat neigeux qui borde le versant est du sommet.
Jour 3 : Dôme des Sonnailles (3361 m) – Col de l’Arpont (3492 m).
Légende urbaine ou réalité, il paraît que le troisième jour d’une virée est celui où le moral baisse et où le corps flanche. Excellent argument pour prévoir un programme facile et reposant. Du Dôme des Sonnailles, gagner en une heure un col très vaste et très plat, (col de Chasseforêt, 3497) où vous pourrez poser les sacs pour gagner mains dans les poches le Dôme de Chasseforêt (3586 m). La remontée de l’arête ouest constitue une promenade magnifique et agréable qui ne prendra pas une demi-heure, mais le sommet appelle la contemplation et s’il ne fait pas froid, l’envie d’y rester longtemps peut être forte. De cette modeste pyramide on fait un étonnant tour d’horizon des sommets des Alpes, bien encadrés par les deux plus proches, la Grande Casse au Nord et la Dent Parrachée au Sud, très présentes toutes deux dans le paysage.
Après avoir redescendu – à regret – l’arête ouest, récupérez vos sacs et mettez le cap au sud-ouest. Passez -ou non- au dôme des Nants (3553 m) qui est si plat qu’il n’est pratiquement pas possible de déterminer la localisation exacte du sommet, et dirigez-vous vers le vaste et très plat col de l’Arpont (3492 m), ou vous n’aurez guère de mal à trouver de la place pour poser le camp. De là, il est facile de monter les mains dans les poches au Dôme de l’Arpont (3601), point culminant de toutes ces petites excroissances qui émergent des glaciers de la Vanoise. Une belle rimaye permet de faire quelques exercices de cordes et de broches à glace, mais c’est juste pour le plaisir car elle est contournable par la droite. On peut pousser la balade jusqu’au Dôme Nord de l’Arpont, et même bien au delà sur cette arête mixte facile et amusante, avant de revenir vers la tente, qui apparaît bien minuscule dans l’étendue blanche et stérile du col de L’Arpont.
Jour 4 : Col de l’Arpont (3492 m) – Col du glacier de Rosoire (3381 m).
Contournez le Dôme de l’Arpont par l’est et traversez plein sud les pentes de neige parfois un peu raides au pied de la falaise du Dôme. L’endroit n’inspire guère confiance car des coulées témoignent de chutes de pierre fréquentes, aussi je vous conseille de vous y prendre tôt le matin, et d’effectuer la traversée sans trop flemmasser. Dépassez la pointe du Génépy, et remontez vers le passage de Rosoire. Les cartes IGN de 2013 le signalent toujours en neige alors qu’il s’agit bien d’un col rocheux qui s’élève à une cinquantaine de mètres au dessus du glacier.
Le départ se fait au sommet d’un triangle neigeux qui remonte vers l’arête. Cherchez les points de peinture jaune pour vous aventurer au bon endroit. Le passage rocheux est équipé de cordes, facile partout sauf en un ressaut de deux ou trois mètres qui nécessitera, avec vos lourds sacs à dos, de tirer très fort sur les bras. Courage ! Sur le fil de l’arête, vous pouvez soit traverser directement par une petite « fenêtre » rocheuse qui donne sur un petit couloir neigeux facile, soit suivre l’arête vers le sud sur quelques dizaines de mètres, elle vous mènera de manière agréable à un second accès très facile à la neige. De là, descendre au sud-ouest vers le glacier, puis obliquer plein sud pour rejoindre un col très vaste et très plat situé au pied des dernières pentes de la pointe de Labby.
Jour 5 : Col du glacier de Rosoire (3381 m). – Parking (1733 m)
Prendre plein sud jusqu’au col supérieur du Génépy, et obliquer au sud-ouest sur une langue (mourante) du glacier qui laisse bientôt la place à des langues neigeuses. Elles vous mèneront à une moraine bien marquée qui rejoint, presque plein nord, un sentier de fond de vallée.
Voilà, c’est fini. Si vous avez beau temps, vous reviendrez détendus et souriants de cette balade agréable. Il est bien évidemment possible de la parcourir dans un temps inférieur aux 5 journées que je décris ici. Si votre équipement est moderne et léger, vous pourrez sans doute en finir en trois jours. Si vous partez avec juste 3 kilos sur le dos, sans matériel de bivouac, peut-être même est il possible de lui régler son compte en une unique et immense journée, qui sait ? Mais malgré tout je vous conseille cette approche lente, qui vous donnera le temps de faire tous les petits détours vers les sommets secondaires, ceux que d’ordinaire on ignore par manque de temps.
Bonne balade. tenez-moi au courant.