Le lithophone

Le lithophone est l’un des premiers instruments de musique de l’humanité ! Sur les stalactites de certaines grottes ayant été visitées par les préhistoriques, on a trouvé des traces de martelage qui ne trompent pas : il y a quelques dizaines de siècles, des humains les ont frappés, sans doute avec des pierres, pour en tirer des sons. Si vous êtes familiers du monde souterrain, amusez-vous à chercher les stalactites et stalagmites les plus sonores (tous ne produisent pas des sons intéressants), en faisant bien attention à ne pas les casser, certaines sont très fragiles, ni même à les abîmer, taper avec la main ou l’ongle suffit à les faire sonner. Voici par exemples quelques notes que j’ai pu obtenir sur une stalactite de l’aven des Corneilles, sur le Causse Méjean, en Lozère.

Si vous n’avez pas une grotte sous la main, vous pourrez fabriquer sans peine un instrument rustique. Pour cela, commencez par recherche des pierres produisant des sons intéressants. Certaines roches sont très sonores, et produisent de « vraies » notes (c’est à dire que l’on peut y reconnaître un do ou n’importe quelle autre note), alors que d’autres résonnent peu et produisent plutôt des bruits plus ou moins intelligibles, genre « ploc », qui permettront éventuellement de percussionner mais pas de jouer des mélodies identifiables. Les granites grossiers seront par exemple de mauvais matériaux, surtout s’ils sont dégradés en surface. Mais certains granites au grain très fin donneront de beaux résultats. Les schistes les plus durs et les plus finement délités (comme certains schistes servant à fabriques des ardoises) peuvent sonner agréablement alors que des schistes grossiers et dégradés ne donneront rien.

Dans la grand famille des calcaires, l’une des roches qui abondent là ou je vis, au pied du Causse Méjean, on retrouve la même diversité sonore. Mais certains sonnent particulièrement bien, à tel point que par chez moi on les appelle parfois les « tintaïres ». De fait, lorsque l’on marche sur des « clapas » (tas rassemblés par les paysans pour épierrer les champs) de tintaïres fragmentés par le gel, cela produit un bruit de vaisselle qui se brise, très caractéristique.

A force de chercher, de demander, j’ai fini par apprendre que ces calcaires chanteurs provenaient de deux couches géologiques appelées « Rauracien » et « Séquanien ». Bigre. Poursuivant mes investigations, j’ai appris que ces couches (que les géologues appellent d’ailleurs « étages ») s’étaient déposées entre -163 à -155 millions d’années, et que pour plus de lisibilité on les avait d’ailleurs récemment renommées « Oxfordien » et « Kimméridgien inférieur ». Vous m’en direz tant !

Cette information me fut finalement fort utile car une simple carte géologique permet de savoir où trouver un affleurement d’une couche dont on connaît le nom. Sur celle de mon petit coin, les couches en question sont codifiée « J6 » et « J7 » et colorées en bleu marine et bleu-gris. Je suis donc parti à l’assaut du Causse de Sauveterre et suis rapidement tombé sur ce que je cherchais.

Une murette composée de calcaire sonore. Les fissures horizontales de la roche témoignent de la tendance naturelle de ce calcaire à se déliter en feuillets, futurs « tintaïres »
Et voici, par chez moi, le type d’endroit ou l’on trouve les clapas de tintaïres

Si vous voulez en savoir plus sur la création des causses et la sédimentologie des calcaires, j’ai écrit ceci dans un autre site.

Comme la France est un pays magnifique de diversité, chaque coin est particulier, je ne peux pas vous aider plus que ça sur ce que qu’il est possible de faire près de chez vous : renseignez vous sur les types de roche dont est fait votre sous-sol, questionnez les paysans, les naturalistes, les géologues pour savoir si certaines d’entre elles sont connues pour être sonores… et partez en chasse.

La première difficulté consiste à trouver des endroits ou la roche affleure, ce qui est en effet assez peu courant dans nos campagnes ou elle est le plus souvent recouverte de terre et de végétation, bien sûr. C’est souvent dans les endroits improbables que ce sera le plus facile : talus de bord de route, chantiers, carrières… Ramassez, testez, rejetez, recommencez, jusqu’à trouver des pierres qui produisent des sons clairs. Le top du top est ensuite de trouver des pierres qui résonnent, c’est à dire que le son se prolonge quelques dixièmes de seconde avant de mourir, cela change tout !

Il faut toutes les essayer pour ne retenir que les meilleures

Quelque soit la roche que vous explorez, vous constaterez que les pierres sonnent mieux lorsqu’elles ont une forme plate et longue que courte et épaisse. Une boule ne sonnera pas, une fine lame aura des chances de sonner.

Ramassez autant de pierres que vous pouvez. L’étape suivante peut consister à les ordonner selon une progression qui vous convient (la plus classique est celle de la note la plus grave à la plus aigüe).  Vous vous apercevrez que les pierres sonnent mieux lorsqu’elles son placées sur un support plutôt mou : par exemple un épais tapis de feuilles bien souples, le top, comme dans les instruments modernes, étant de les disposer dur des cordes tendues, ou des lignes de mousse.

Un instrument un peu plus élaboré, utilisant un filet pour poser les pierres. Pratique.

Pour faire sonner les pierres au mieux, mieux vaut frapper avec un objet le plus dur possible, bois, fer… par expérience, frapper avec une pierre de la même roche est rarement concluant.

Voilà, à vous de jouer.

Un lithophone en cours d’élaboration

2 thoughts on “Le lithophone

  1. Génial! parfais pour les ateliers d’exploration des sons et de la musique avec mon groupe d’enfants de 4 ans au CPE. Un gros merci pour toutes ces bonnes idées !!!

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