La corniche des Cévennes
La Corniche des Cévennes est vendue comme l'un des attraits
touristiques des Cévennes. Il est vrai que cette route n'est pas vilaine
: elle serpente au dessus de deux des plus belles vallées cévenoles (la
Vallée Française et la Vallée Borgne), mais hélas depuis de nombreuses
années, les arbres ont poussé de part et d'autre de la route, limitant
les points de vue et donnant parfois l'impression de traverser un massif
forestier ordinaire. Plusieurs autres itinéraires de crête me
paraissent aujourd'hui mériter plus l'appellation de "Corniche", comme
la route qui relie la Croix de Berthel à la Vernarède, de très grande
classe. Mais c'est une autre affaire, qui sera peut-être contée un jour.Mais la Corniche reste un itinéraire fabuleux et passionnant, particulièrement si l'on s'intéresse à son histoire.
Avant l'homme : un itinéraire de migration saisonnière pour les animaux sauvages...
On a des raisons de penser que cet itinéraire est très ancien.
Certains spécialistes estiment que la Corniche, comme d'autres crêtes
cévenoles faciles à parcourir (car relativement horizontales et
accessibles, contrairement aux fonds de vallées) aurait été parcourue
par des hordes d'animaux sauvages en "migrations saisonnières" (ancêtres
naturels de la transhumance), après la fin de la dernière glaciation,
lorsque le climat s'est progressivement réchauffé, chassant les bêtes
des plaines vers les sommets en période estivale.
... qui devient un itinéraire de transhumance avec les premiers pasteurs
Le passage régulier d'hommes sur la crête s'est probablement mis en
place progressivement, dès avant le peuplement permanent des vallées
cévenoles par l'homme (qui survint probablement vers 3000 avant JC). Les
ovins domestiqués arrivent dans la plaine du Languedoc vers -6000. Les
itinéraires de migration saisonnière des troupeaux sauvages, si on admet
leur existence, auront naturellement été réemployés par les pasteurs
pour faire transhumer leurs bêtes depuis les plaines du Languedoc
jusqu'aux hauteurs du sud du massif central, donnant ainsi naissance aux
drailles. Sur la Corniche se serait donc mise en place à cette période
l'une des branches de la draille de Margeride,
qui empruntait grosso-modo l'itinéraire de la route actuelle entre
Saint Jean du Gard et le col Saint Pierre, puis se ramifiait : une
branche partait vers Saint Etienne Vallée Française (et servait
autrefois de route d'accès au village), l'autre partait vers la can de
l'Hospitalet et se confond aujourd'hui complètement avec la route. C'est
celle qui nous intéresse ici. Les traces humaines de cette époque
sont extrêmement rares, pour ainsi dire limitées à quelques pierres
taillées trouvées ça et là (essentiellement sur la can de l'Hospitalet),
et à un unique dolmen sur le Puech vendut.Le chemin muletierLa
crête a probablement été très tôt utilisée à d'autres fonctions que la
seule transhumance, pour le transit de matériaux et d'humains. Des
tronçons sont aménagés pour être "carrossables" aux mules. C'est le chemin muletier Anduze - Col du Rey,
qui est probablement très ancien, et dont la corniche garde encore
quelques ultimes (et hypothétiques) traces, malgré la mauvaise volonté
de la DDE. Plusieurs éléments de toponymie locale attestent de la
présence des hommes sur la crête à l'âge du fer. Au lieu dit "Le lac",
proche du col Saint Pierre, pas de lac en vue, bien évidemment, puisque
l'on se trouve quasiment au sommet de la crête. Ce nom viendrait de
"lake", mot d'origine celte, qui pourrait avoir transité par le
piémontais ou le
grec, et qui signifie "pierre plantée", ou "dalle de pierre" (on
retrouve cette racine dans d'autres noms de lieux des environs, comme à
Thémélac, et le mot lecque désigne toujours en patois une dalle de
pierre, et en particulier celle qui servait à faire un piège pour les
oiseaux). La crête était donc sans aucun doute déjà occupée au début de
notre ère. (cec, n°4, 1957, p. 76).
IIIè siècle avant JC : La route des GabalesContrairement à
d'autres régions de la future France, qui ont résisté aussi longtemps
que possible, le Languedoc et les Cévennes ont établi très tôt des liens
commerciaux et culturels avec Rome. Dès le IIIème siècle avant JC,
parallèlement à la piste muletière, a existé sur la corniche une voie de
communication charretière qui unissait Nîmes, capitale de la tribu des
Volques arécomiques, à Anderitum (devenue Javols), capitale des Gabales.
On a appelé cette voie la route des Gabales.
Elle circulait la plupart du temps proche du faîte de l'arête, et se
rapprochait parfois de la piste muletière. Sur un bombement schisteux
visible de l'actuelle route entre les cols Saint Pierre et de l'Exil,
tout proche de l'actuel ultime reste de la piste muletière, des traces
de roues étaient autrefois visibles au sol. Elles ont disparu dans la
folie des aménagements routiers de 1976. Tout au long de l'itinéraire il
est encore possible de trouver des traces de vie de cette époque (comme
le Cap barré du Causset, sur la can de l'Hospitalet)... et surtout des traces de mort, comme les tombes à coffre situées près du col Saint Pierre.
IIIème siècle après JC : l'itinéraire gallo-romain
Au début de l'ère chrétienne, de nombreux établissements
gallo-romains sont installés un peu partout a proximité de la corniche.
Sur la can de l'Hospitalet, dans la vallée du Tarnon, dans les vallées
cévenoles. Un important trafic de denrées circule sur la corniche.
Pourtant, à la fin de l'époque romaine, cet itinéraire fût
progressivement abandonné. Sans doute le déclin des tribus gauloises et
d'Anderitum (Javols) fit diminuer le trafic qui bientôt ne justifia plus
les coûts très importants que devait nécessiter l'entretien de
certaines sections réputées très fragiles (le schiste de la corniche est
très sensible à l'érosion par l'eau, et avant l'apparition du béton et
du bitume il devait être très fréquemment refait, comme le disent les
témoignages du XVIIIème siècle).
Durant le moyen-âge : oubli puis route de croisades
Il est difficile de savoir ce qu'il advient de l'itinéraire pendant
le haut moyen-âge. En cette période troublée surviennent des invasions
diverses. Vers le VIè siècle, la crête matérialise quasiment la
séparation entre une zone occupée par les wisigoths, au sud (qui
deviendra la Septimanie) et une zone occupée par les francs, au nord
(qui se rattachera au futur Gévaudan). La route a-t-elle totalement
disparu ? A t-elle continué à exister physiquement tout en ne conservant
qu'une utilité locale ? A-t-elle momentanément retrouvé sa fonction
première de draille ? Il ne subsiste quasiment aucune information de
cette période la concernant. A partir de l'an 1000, par contre, on en sait un peu plus. Un itinéraire se met en place entre Aubrac et Saint Gilles,
sur le Petit Rhône, pour amener les croisés, et plus tard des
pèlerins, au port puis en Terre-Sainte. En provenance du Causse Méjean
et de Salgas, il montait au Col de Solpérière et suivait l'ancien la
draille jusqu'à Saint Jean du Gard. La circulation reprend, sans doute
au gré des moments forts des différents croisades. La route a dû être
réaménagée, modernisée. Des établissements d'accueil se mettent en
place, comme à l'Hospitalet,
hameau situé sur la can du même nom ou les pèlerins trouvaient de quoi
se loger et se nourrir. On y veillait aussi à leurs âmes (chapelle de la Fage Obscure). C'est de cette période également que date le château de Terre-Rouge, dont certains auteurs attribuent la construction et la gestion aux templiers...
XIIIème siècle : La route royale Nîmes - Saint Flour
Dans la seconde partie du moyen-âge, les croisades se terminent. La
circulation à destination de la Terre Sainte doit probablement
considérablement diminuer. L'itinéraire de la corniche reste pourtant
très fréquenté. Il y transite un intense trafic commercial entre le sud
du massif central et les plaines du Languedoc. Huiles, vin,
eau-de-vie, sel, poisson séché montent du Languedoc vers l'Auvergne. En
échange, le Languedoc reçoit du massif central fer, chanvre, toiles,
grain, fromage... Le Gévaudan exporte des bêtes à cornes, chevaux,
mulets, moutons... vers le midi. L'itinéraire sert également à exporter
la soie des Cévennes.
Témoignage insolite de la relative richesse de l'époque : un petit
"trésor" datant probablement du XIIIème siècle a été découvert dans la
petite grotte de Baumoleïro, située à quelques dizaines de mètres de l'itinéraire.
Au XIIIème siècle, l'itinéraire s'intègre à la "route royale Nîmes -
Saint Flour". Quelques vestiges de ce "chemin royal" sont encore
visibles, par exemple près du col Saint Pierre, sur le roc dominant
l'embranchement de la draille de Saint Etienne Vallée Française, ou une
section d'une centaine de mètres de longs peut s'observer, avec ses
ornières.
C'est à cette époque que le prieuré bénédictin de Saint Pierre du pas
de Dieu est créé au col Saint Pierre. Des ruines étaient encore
apparentes au XVIIème siècle, d'après le compoix de Saint Jean du Gard
de 1644, mais on n'en trouve plus aucune trace aujourd'hui (cec 1969 n°4, p. 398)
Quelques siècles plus tard, l'itinéraire tombe à nouveau en
désuétude. Il n'est plus correctement entretenu et se dégrade à nouveau,
mis à part sur la section la plus septentrionale : en 1631, le compoix
de la communauté du Rey précise que le hameau est traversé par un chemin
"ferrat" (pavé) menant du Rey à Florac (il ne passe pas encore par
l'itinéraire de la route actuelle, mais par le col de vache et le hameau de Tardonnenche).
XVIIème siècle : un chemin royal pour lutter contre les camisards
Dans le dernier quart du XVIIème, pendant les troubles religieux qui
ébranlent les Cévennes, l'intendant Basville fait élargir ou tracer 22
voies de circulation au coeur des Cévennes, censées faciliter le
contrôle de la région et la lutte contre les protestants des Cévennes.
La corniche en fait partie : des chantiers sont ouverts dès 1695. En
1702 sous la responsabilité de Pagezy et de la Rouvière les travaux sont
achevés entre Saint-Pierre et Saint-Roman de Tousque. La corniche est
maintenant un "chemin royal" de 15 pieds de large (4m80), décrit par
Basville comme "assez large pour y faire circuler du canon et porter des
bombes en cas de besoin". Les camisards n'ont qu'à bien se tenir !
Les noms de plusieurs lieux-dits de la corniche sont d'ailleurs
aujourd'hui (librement) interprétés comme des témoignages de la guerre
des camisards. Le col de l'exil devrait ainsi son nom au dernier regard
que les proscrits et les prisonniers portaient sur le pays avant de le
quitter, souvent de manière définitive. Sur la can de l'Hospitalet, le col du Rey aurait été le siège d'un affrontement entre soldats du roi et camisards (pet, p. 63).
A partir de 1793, le développement des échanges entre l'Auvergne, le
Gévaudan et le bas-Languedoc encouragea les autorités à créer un service
postal permanent : le "service de la poste aux chevaux", avec relais à
Florac, Nozière, Le Rey, le Pompidou, Saint-Roman de Tousque, Saint
Jean du Gard. Le relai du Pompidou, à lui seul, possède de 10 à 20
chevaux selon les époques, ce qui témoigne d'une activité importante.
(d'après popo)
Malgré ces grands travaux, la route est fragile : coupée par les
camisards, les parapets détruits, elle se détériore rapidement. Il
semble tout de même que dans les heures les plus chaudes de la guerre
des camisards, personne, civils ou militaires, n'ose l'emprunter (hvc, p. 147) ! En
1713 plusieurs mulets tombent dans les ravins, aussi en 1717 les Etats
du Gévaudan discutent de la remise en état du chemin entre Saint-Pierre
et le Pompidou. Dans la traversée de la can par contre on se limite à la
pose de Montjoies en 1696.
Pendant ce temps, en 1716, après les troubles, l'intendant Basville
souhaite continuer sur sa lancée d'aménageur et faire ouvrir une route
directe entre le Languedoc et l'Auvergne. Il demande à l'ingénieur
Cruvier une étude comparée des tracés d'Alès à Saint Chély d'Apcher,
soit par Villefort, soit par Saint Jean du Gard, Florac et Mende
(reprenant ainsi le tronçon déjà aménagé). C'est le tracé par Villefort
qui est choisi (il sera abandonné 4 ans plus tard au profit d'un
itinéraire par le Puy suite à des pressions des marchands du Velay).
L'heure d'un grand itinéraire interrégional moderne sur la corniche
n'est pas encore venu. Mais à partir de 1720 l'itinéraire est
parfaitement "roulant" et s'ouvre au trafic intense des muletiers et des
charrois qui remontent vin et sel du Languedoc et descendent les
étoffes de serges et cadis du haut-Gévaudan.
Un ensemble de travaux d'amélioration est entamé : dès 1731 aux alentours de Terre Rouge et sur la portion Le Pompidou - col Saint Pierre, en 1757 on améliore la montée entre le Pompidou et la can,
1745. Afin de guider les voyageurs les jours de brouillard ou de tourmente, les états du Gévaudan font dresser les "Montjoies"
qui bordent la route traversant la can de l'Hospitalet (remarque :
cette date est incompatible avec celle de 1696 citée ci-dessus). 1745
- 1788 : du mas du Rey à Florac on met en place un tracé en grande
partie nouveau en raison du danger que présente la descente de Font des
Vaches, entre le col de vache et le hameau de Tardonnenche. Désormais
par Nozières et Saint-Laurent de Trèves on rejoint le Tarnon au pont du
Mazel. Ensuite longeant le rebord du causse le long de la vallée on
parvient à Florac. Les chantiers se développent à partir de 1745.
D'abord par la réfection du pont du Mazel. Ensuite avec l'aménagement de
la rampe de Saint-Laurent de Trèves. Les travaux commencés vers 1750 ne
sont pas terminés en 1788 car on doit faire face à des glissements
d'argile. En 1768, l'itinéraire qui monte au col Saint Pierre par
l'Afénadou est abandonné au profit d'un nouveau tronçon par la
Bannière.
Vers 1771 on travaille de part et d'autre du col de l'exil. A noter
que la famille de Bernis détentrice du château de Salgas a profité de la
mise en place de la route pour désenclaver sa résidence. En 1771 c'est
chose faite avec un chemin carrossable entre le col de Solpérière et
Salgas, la cardinale. Le plus court chemin pour aller de Vébron à Florac avec des chariots passe donc par le sommet de la can !
En 1774 on signale un chantier entre Saint Roman et le Castanier.
En 1787 c'est un constat d'échec que présente le syndic des états du
Gévaudan. Le responsable est l'ingénieur Boissonnade qui a sous-estimé
la friabilité des schistes face aux attaques de la neige et de la pluie.
De plus le mauvais état de la route décourage les candidats à
l'adjudication. Pourtant il faut terminer à n'importe quel prix
l'aménagement car d'ici quelques années on va subir la concurrence de la
route d'Auvergne à Montpellier par Marvejols. Dans l'état actuel des
choses en 1789 la chaussée est incapable de résister au passage
journalier des rouliers.
1788 - 1789 : les états du Gévaudan investissent des crédits massifs sur la corniche.
1788 : des montjoies sont placés sur le causse (encore ? Il n'y en a pourtant pas tant que ça !) Le
16 Décembre 1811, sous le premier empire, un décret impérial fait la
distinction entre routes impériales et routes départementales. Il
définit le classement de 229 routes impériales et de 1.169 routes
départementales. Il fixe par Le Pompidou le passage de la route
impériale n° 127 de Nismes à St-Flour. Une telle décision était logique,
aucune autre liaison valable n'existait à l'époque entre les deux
localités de Saint-Jean-du-Gard et Florac. La corniche est renforcée
dans son rôle de grande circulation, alors que son état et sa
roulabilité ne sont pas au niveau du trafic qui y transite. En 1813, le
préfet de Lozère Mr Gamot emprunte l'itinéraire et est consterné par
l'état du tronçon qui relie le Pompidou à la côte Saint Jean. Il
comprend facilement pourquoi : ce satané schiste est toujours aussi
friable, et les trous de la route sont réparés en y jetant sommairement
des morceaux de cette roche fragile ! Il suggère d'utiliser plutôt le
quartz, dont on trouve ici et là des bans dispersés dans le schiste.
1836 - 1872 : la route impériale, puis la N 107 : l'apogée
L'itinéraire est parsemé de relais de toutes sortes pour faciliter les trajets.
Rien que sur la montée de la can versant Tarnon, existaient plusieurs
relais de poste et caravansérails : La baraque (actuelle Carlèques ?),
Saint Laurent de Trèves (relais de poste), Nozière, le col du Rey... Il
semblerait que sur le plateau même de la can il n'en existe qu'un :
l'Hospitalet. Les voyageurs préféraient sans doute passer cet obstacle
jugé dangereux (surtout en hiver) dans la journée, et dormir plus bas.
En 1836 est créé au Pompidou un relais de postes à chevaux qui prête
des chevaux de renfort aux malles-postes et aux voyageurs. Mais la poste
à chevaux, tuée par la voie ferrée, sera supprimée sur la nationale 107
en 1872. D'autres établissement s'égrènent sur la portion schisteuse de
la corniche, souvent encore visibles aujourd'hui : Malataverne, le
Castanier, la Baraque du coucou, Saint Roman, le Bec de Jeu, les
Vernets, le Lac. Ces lieux sont séparés par quelques kilomètres au
maximum. Il y avait donc de quoi se reposer !
La côte Saint Pierre (qui relie Saint Jean au col Saint Pierre) est
ouverte à cette époque, au détriment de l'ancien chemin qui escaladait
la crête de l'Affenadou depuis le pied de côte. A deux kilomètres du col
est construit un relais pour les diligences au lieu-dit la Baraquette.
Il sera détruit au moment de l'élargissement de la route.
1884 - 1930 : l'abandon
A partir du début du XIXème siècle, de plus en plus d'usagers se
plaignent du mauvais état de la route. Laurent Parlier, châtelain au
Pompidou, argumente pour la réhabilitation de plusieurs tronçons, en
particulier celui qui monte du Pompidou à la can. Il propose également
la mise en place, sur toute la longueur de la can, de Montjoies (poteaux
de pierres) pour guider les voyageurs en cas de brouillard et de
Tourmentes.
Au milieu du XIXème siècle, sous la monarchie de juillet (1830 -
1848), et suite au nombre de plaintes croissantes qui fusent de toute
part, l'administration entreprend de réfléchir à l'amélioration de la
circulation entre Florac et Saint Jean. Trois alternatives sont étudiées
pour la nouvelle nationale 107 :
- Soit améliorer l'itinéraire de la 107 existante
- Soit en créer un nouveau par la vallée de la Mimente, Fontmorte, Saint Martin de Lansuscle, Saint Etienne Vallée Française
- Soit en créer un nouveau par la vallée du Tarnon, le col du Marquaïres et la vallée Borgne
Durant 6 années, la discussion va faire rage entre les défendeurs de
l'une ou l'autre de ces alternatives. Chaque commune souhaite évidemment
voir midi à sa porte et s'empresser de trouver des argumentaires
souvent tordus pour discréditer le voisin et réhausser l'intérêt pour le
pays tout entier de faire passer la route chez lui. Un excellent article de la revue Causse et Cévennes n°4 de 1970 raconte cet épisode dans le détail.
C'est finalement l'itinéraire passant par les vallées du Tarnon et de
la vallée Borgne qui est choisi, ce qui paraît aujourd'hui étrange, vu
le nombre incalculable de petits virages serrés à la mode cévenole qu'on
y rencontre. 40 années seront d'ailleurs nécessaires pour construire la
route, qui ne sera ouverte à la circulation que le 1er juillet 1884,
(le tunnel du Marquaïres sera achevé en 1873) ce qui témoigne de la
difficulté de l'opération.
L'itinéraire de la corniche est donc déclassé, et quasi abandonné à
partir de 1884. En 1918 la route existe toujours mais elle est dans un
état déplorable.
XXème siècle : La bataille pour le renouveau, la route touristique
Pourtant, sous la pression de nombreux riverains et amoureux de la
corniche, l'intérêt pour cet itinéraire renaît. Pierre Dévoluy,
romancier qui situe plusieurs épisodes de sa trilogie "La Cévenne
embrasée" (1922 - 1931) en vallée française, milite ardemment pour la
réouverture de la "Corniche d'Améthyste", nom qui est depuis tombé aux
oubliettes. L'expression "Corniche des Cévennes" semble avoir été
utilisée pour la première fois par le naturaliste nîmois Paul Marcellin,
en 1925, dans un compte-rendu d'excursion (cec n°4, 1925).
En septembre 1927, le club cévenol émet un voeu pour la remise en
état de viabilité de la route lors de son congrès de Saint André de
Valborgne.
La route est finalement réouverte à la grande circulation le 17 août 1930, sous le nom de "Corniche des Cévennes". (lpj,
p. 386), mais les travaux d'amélioration continuent jusqu'à après la
guerre : la côte Saint Pierre est élargie et modernisée en 1950. En 1960
la corniche est goudronnée sur toute sa longueur.
La corniche est à nouveau l'un des fils qui relie les hauts pays aux
plaines, et durant la saison touristique il y circule des cohortes de
voitures et de motos que l'on entend résonner longuement dans les
versants escarpés des Cévennes.
Aujourd'hui, nombre d'entre nous qui vivent dans le pays de Florac
seraient bien emmerdés si cette route n'existait pas : elle constitue
l'un des traits d'union principaux (et sans doute le plus "roulant" tant
que la N 106 Florac - Alès n'aura pas été élargie sur la totalité de sa
longueur, ce que je n'attends pas avec impatience car ce sera une
défiguration de plus), pour relier le sud Lozère à la "plaine", celle
dans laquelle il faut bien se rendre de temps en temps, même si on n'en a
pas toujours envie.
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