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"Sacré mont Blanc"
Chez
Marc Lemonnier
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Fumée dans l'entrée de l'aven des Corneilles
Dans l'étroiture de l'aven des Corneilles
Stalagmite au milieu du gourg
Fumée et kelly kettle dans l'aven des Corneilles
Le sentier entre les pins
Ouverture de l'aven des Corneilles
L'entrée, maintenant presque entièrement dissimulée par les arbres qui y ont poussé.
Descente de la rampe d'accès à l'aven des Corneilles
Plan de l'abri préhistorique de l'aven des Corneilles
Draperies dans les premiers mètres souterrains de l'aven des Corneilles
Lorsque l'on s'enfonce dans les profondeurs de la terre, un rond de lumière reste visible un moment
Première petite difficulté, la montée vers la galerie supérieure
Dans la montée du mur
L'étroiture
Les deu niveaux de la galerie supérieure
Le petit lac terminal
La remontée de l'aven des Corneilles

L'aven des Corneilles

Pourquoi visiter l'aven des Corneilles, plutôt que l'aven Armand, son illustre voisin ? La question n'est pas anodine, car le grand frère Armand a de quoi séduire avec ses stalagmites en choux-fleurs, son funiculaire absolument pratique, son découvreur illustre et pilier de la spéléologie moderne, sa salle aux dimensions très vénérables, ses touristes nombreux et ébahis... Je ne manque pas, au moins une fois par an, d'aller faire la sortie traditionnelle à l'aven Armand avec quelques amis de passage... et j'en reste toujours sans voix !

Mais il faut également aller à l'aven des Corneilles, car il représente justement le contraire parfait de l'autre, et que les contraires se valorisent mutuellement. Pas d'intérêt à l'aven Armand s'il n'existe, quelque part, un aven des Corneilles, et vice-versa. Tout ici sera sujet à comparaison, à mise en perspective de l'autre site.

Cherchez bien sur la carte IGN : vous n'y trouverez aucun aven des Corneilles. Voilà qui est étonnant pour cette ample ouverture, forcément connue depuis toujours. Cinq cent mètres au nord, un autre aven de même taille s'ouvre au bord de la route : il a lui trouvé sa place sur la carte. L'aven des Corneilles serait-il un endroit à tenir secret ? Pour le trouver malgré tout, voici comment procéder. Montez sur le causse Méjean, et rejoignez l'aérodrome de Chanet. Prenez plein nord, direction Fraissinet de Poujol. A 2 km, tournez à gauche vers Vallongue, pénétrez une épaisse plantation de résineux. Parcourez encore 1,5 km. A mi-chemin entre un virage à droite bien marqué et la sortie de la forêt, une ébauche de trace s'amorce à gauche et s'enfonce dans l'ombre des pins... Pas de parking, pas de drapeaux de différents pays de la communauté européenne, pas de cars rangés en épis, pas un bruit. Seul le doute d'être bien à l'endroit qu'il faut. Un petit cairn est parfois dressé au bord de la route mais même sur lui il ne faudra pas trop compter car régulièrement il disparaît mystérieusement, éparpillé par des esprits farceurs.

La trace serpente sur une épaisse couche d'aiguilles. De loin en loin, quelques maigres rayons de soleil parviennent à percer le couvert végétal étouffant et posent des taches de lumières sur le sol acide. Après quelques minutes de marche silencieuse, l'ambiance sonore se modifie subtilement : à travers la cotonnade étouffée du sous-bois pointe autre chose... une sorte d'écho, imprécis et lointain... C'est sûr, il y a "quelque chose" dans cette direction. Sous l'effet de l'excitation le pas s'accélère. Il semble... que droit devant, le couvert végétal est moins sombre... Oui, c'est bien ça : une clairière s'ouvre un peu plus loin... C'est en courant que l'on fait irruption dans cet espace lumineux, centré autour d'une bouche énorme et sombre, qui dégage une aura de fraîcheur dans la chaleur de l'été brûlant. Au dessus de l'entonnoir vertigineux, des oiseaux noirs tournent, plongent, surgissent... ce sont des corneilles, bien sur ! Les corneilles de l'aven.

Après un moment de saisissement, l'observateur attentif détecte, sur la gauche, un versant moins raide. Il semble même y avoir... un sentier, oui, un sentier qui serpente tranquillement vers l'abîme. Non, décidément, cet aven ne ressemble pas au frère Armand et à tant d'autres des environs : ici, pas de puits vertical nécessitant cordes et matériel spécialisé. L'aven des corneilles s'ouvre en pente. Une pente certes raide (35 degrés, peut-être) mais, grâce à ce sentier, praticable par des gens ordinaires.

C'est donc, ici comme là-bas, par cette sorte de funiculaire rustique que l'on pénètre dans l'antre des corneilles.

Luxe inouï pour une incursion sous terre, les premières dizaines de mètres se parcourent en plein soleil. Tout doucement, on s'approche d'une lourde voûte rocheuse à laquelle un bloc rocheux effilé, tombé en travers de l'embouchure sombre, donne l'allure d'une gueule grimaçante, comme en dessinait Druillet, l'auteur de BD de science-fiction. Finalement, on pénètre dans l'obscurité. La tache de ciel s'éloigne peu à peu. La faible lumière qui en provient encore n'éclaire bientôt plus que quelques aspérités dépassant de la pente unie.

Soudain, on est en bas. Pas "tout en bas", bien sûr. En bas de cette pente facile. Le sol s'aplanit sur quelques mètres, puis plonge à la verticale. Ici commence le royaume du dessous, celui qui est réservé aux spéléologues, aux chauves souris, et aux phantasmes inavouables. Une corde, fixée de loin en loin à la paroi verticale, traverse l'abîme en suivant un cheminement aérien de vires minuscules. Comme une invitation. Voilà la différence ultime entre les corneilles et Armand : au bas de la pente des Corneilles, aucun guide en livrée rouge ne nous attend pour nous proposer une visite guidée et sécurisée. Dans la solitude obscure, chacun doit faire son choix.

Descendre le puits est impossible sans équipement spécial. Ne le regrettez pas, il mène vers un cul de sac. Il sera plus facile, bien que dangereux pour le non spécialise, de suivre la corde. Elle mène à une plateforme. Une courte étroiture donne accès à une galerie plus ample, riche en belles concrétions. Au delà, les choix se multiplient, menant vers des galeries de plus grande ampleur mais à l'accès légèrement techniques. Et comme ce ne sont pas les plus belles, vous, moi, ferons souvent demi-tour à cet endroit.

Lors de la remontée, quelques mètres avant d'émerger à nouveau de la voûte rocheuse, une cavité secondaire attire le regard, dans un recoin sombre. J'y pénètre et me voici dans une sorte de nid assez douillet et intime : elle forme comme une petite pièce ovale, de 3 ou 4 mètres de long, haute de moins de 2 mètres. Des hommes ont vécu là, il y a très longtemps. A l'inverse de ceux qui s'installaient sous des porches ensoleillés au pied des falaises orientées au sud, ceux-ci ont choisi cette grotte-au-fond-d'une-une-grotte. Choix sans doute judicieux pour passer l'hiver : la température devait y être d'une remarquable stabilité. Mais aux premières douceurs du printemps, ils devaient se hâter de trouver un gîte plus rieur.

Il se raconte que tout au fond de l'aven, bien au delà du puits, existe une salle décorée. L'homme de la grotte-dans-la-grotte est donc allé jusque là-bas ? Un jour, peut-être, j'irai et je saurais.
09/05/2008
11/09/2012
Autour de Nîmes le vieux
Plan de l'abri préhistorique de l'aven des Corneilles

L'habitat préhistorique de l'aven des Corneilles

L'habitat préhistorique de l'aven des Corneilles est situé à une quinzaine de mètres sous la surface du sol. Pour l'atteindre il faut descendre une rampe assez raide. Avant de pénétrer sous la voûte, regarder à gauche, légèrement en arrière. Il se trouve là une petite salle presque circulaire de 5m x 8m. Elle a été occupée à diverses époques.

Au début du chalcolithique (vers -3000), le lieu a été occupé de manière saisonnière, probablement par des chasseurs de passage. Il en reste plusieurs petits foyers superposés contenant des reliefs de repas (boeuf, mouton, cerf et également ours brun et deux bouquetins).

A la fin du chalcolithique (vers -2200) le lieu a été occupé plus durablement. Près d'un millier d'objets de cette époque y ont été trouvés : une centaine de vases, des outils en bois de cerf ou en pierre taillée. Des restes de poteaux plantés au sol ont permis de reconstituer l'allure générale de la grotte, qui était partiellement fermée par une cloison de peaux pour protéger le lieu du froid.

La couche d'habitat la plus récente est la plus riche. Plus d'un millier d'objets bien en place, dont une centaine de vases et des outils en bois de Cerf et en pierre taillée, ont permis de dater précisément cette couche de la fin de l'Age du cuivre, bien qu'elle ne contienne aucune trace de ce métal. A partir des trous de poteaux, les archéologues ont pu reconstituer une cabane en matériaux périssables comportant :

  • une structure de poteaux calés par des pierres et des lattes transversales, et recouverte d'une toiture à pente unique
  • un cloisonnement, composé d'un assemblage de peaux qui devait isoler l'espace intérieur de l'humidité et du froid.

Le foyer reposait sur une sole circulaire, de 70 cm de diamètre environ, constituée par une épaisse couche de débris de vases et de dallettes calcaires. Tout autour un mélange d'esquilles d'os et de fragments de
céramique : le "coin-repas". Dans le reste de la surface une zone de préparation de la nourriture (four à griller les céréales, meules...), un "atelier" (bois de Cerf sectionnés), un lieu où l'on a cousu des vêtements ou des objets de peau (poinçons, siège...), au centre vraisemblablement le lieu de couchage.

Les déchets de nourriture permettent de cerner l'alimentation (Mouton, Boeuf, Cochon), provenant de l'élevage, complétée par les ressources de la chasse (Cerf, Chevreuil, Bouquetin, Ours brun, Castor, Lièvre, Lapin, Grand Tétras, Perdrix rouge, Pigeon ramier) et la pêche (Saumon) ou les coquillages (Moules d'eau douces). Les céréales cultivées (Blé et Orge) sont consommées grillées. On retrouve aussi des baies et des fruits sauvages. Crucial sur le plateau quasiment dépourvu de sources, où les troupeaux ne peuvent s'abreuver que dans des mares plus ou moins pérennes, le problème de l'eau est résolu par la collecte
des infiltrations qui suintent de la voûte, dans des vases ou des outres.

L'ensemble ne paraît concerner qu'un petit groupe de quatre ou cinq personnes qui ne séjournaient là, probablement, que quelques mois par an. Peut-être venaient-ils au printemps cultiver des céréales (Blé amidonnier, Orge à grain nu, Blé tendre) dans les dolines (creux argileux), passant l'été à proximité des champs puis s'abritant l'automne dans l'aven avant de regagner, au début de l'hiver, les zones plus clémentes des vallées.

Les vestiges recueillis appartiennent indubitablement à la culture du Groupe des Treilles mais la présence de céramiques carénée et ornées évoque très fortement la culture de Fontbouisse, installée dans le Languedoc, dont les formes et les décors ont été importés ou, du moins, ont inspiré les fabricants locaux de poterie témoignant de toute manière des échanges entre les populations.

(Info et dessin avh, p. 44)

09/05/2008
Les abris sous roche
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