Le château de Saint Laurent de Trèves
Le petit plateau sur lequel se trouvent des traces de dinosaures, au dessus du village de Saint Laurent de Trèves,
s'appelle le "castelas" ("château" en occitan). De château, il ne
subsiste quasiment aucune trace sur ce magnifique site qui domine la
vallée du Tarnon. Il a pourtant bien existé, mais il a été totalement
détruit au XVIIème siècle.
Les textes en portent la trace depuis
le XIIIème siècle. Il appartenait à la famille des seigneurs de Barre.
On ne sait pas grand chose de son aspect, sinon qu'il aurait eu "deux
grosses tours", ainsi qu'une "tour ronde" près de la porte, regardant
vers Artigue. Cela nous indique au moins que l'accès se faisait donc
probablement du côté de l'est (actuel chemin d'accès au site).
En 1508 ou après, le château est remanié, car la pierre sculptée aux
armes de Taulignan (servant actuellement de linteau à une clède située
sur l'actuelle place du village) porte cette date, ce qui prouve qu'au
moins certaines pierres ont été retouchées. Une autre inscription figure
sur la pierre, mais est illisible. Se pourrait-il que cette pierre
provienne de la tour écroulée remplacée lors des travaux de 1573 ? (voir
ci-dessous).
En 1569, le château de Saint Laurent reçoit une garnison. On le sait
car on a la trace d'un inventaire que fit faire Robert de Porcelet (mari
de Claude de Taulignan) par le baile de Barre le 8 mai 1569 pour
évaluer les dégâts de mobilier faits par les soldats qui y avaient
séjourné toute l'année.
En 1573, Claudie de Taulignan passe un contrat avec Etienne Vécrine,
maçon de la garde (Saint Germain de Calberte ?) pour élever à un angle
du château, près de la porte et regardant le quartier du Mas d'Artigues,
une tour ronde à la place d'une autre tour ruinée. Elle devait avoir 12
pans dans son œuvre et 6 pans d'épaisseur (extrait des minutes de Jean
Duforcoal, notaire à Barre, dans slt).
Dans son rapport sur l'église de Saint Laurent, l'abbé Charles
Brochier, curé de Saint Bauzille et archiprètre des Cévennes, signale en
1598 : "L'église est toute rasée, et des pierres d'icelle on a bâti une
tour du château dudit Saint Laurent". C'est donc probablement ce
pillage de l'église ruinée qui a servi aux travaux de 1573.
En 1580, pour la seule et unique fois, les catholiques du haut
Gévaudan, sous le commandement de M. de Pontaut, seigneur de Saint
Didier, réussissent à dépasser Florac et à parvenir jusqu'à Saint
Laurent de Trèves. Ils assiègent le château. En mars 1580, la qualité
des fortifications et l'arrivée de renforts protestants les forcent à
lever le siège (hvc, p. 70). L'année suivante, nouvelle attaque, racontée ci-dessous :
"L'an mil cinq cent quatre vingt un, mercredi 22 juin. En la
bonne ville de Chanac, maison du Capitaine de Grimaud, assemblées nobles
et vénérables personnes Lambert de Gayet, Seigneur de Thiville, Jacques
Macel et Jehan Brugeyron, vicaire de Monseigneur de Mende, comte de
Gévaudan, André de Retch, seigneur de Cheminades, premier consul de
Mende.
Par Monsieur Jehan Comitis il a été montré que le Seigneur de
Saint Didier aurait fait prendre et saisir le fort de Saint Laurent de
Trèves pour le conserver à l'obéissance du Roi et empêcher les
perturbateurs du repos public des Cévennes, qui journellement vont et
viennent en ville de Mende pour la piller. Et doutant que tout aussitôt
que ledit fort fut pris à l'obéissance de sa Majesté, les dits
perturbateurs l'auraient assiégé, ou ledit siège y est encore. Par quoi a
requis et prié mes Seigneurs les commis, trouver moyen de faire
administrer des vivres aux compagnies que le Seigneur de Saint Didier
est après pour les faire assembler au nombre de 1500 hommes à pied et
cinq cent à cheval, aux fins d'aller faire lever le siège et interrompre
le dessein des perturbateurs et autres choses qu'il pourrait faire
pour le service de sa majesté.
En conclusion, que les villes et les lieux alentour seront
empruntés pour faire munition pour un mois et pour deux mille hommes,
considérant les grandes urgences à faire du présent diocèse et pour
éviter de plus grands maux, et à cet effet sera fait ??? lieux et
distribution qui conviendra, à la charge ??? sur le Général du pays,
seulez le bon plaisir du Roi, de Montseigneur le Duc de Montmorency et
suivant la lettre qu'on pleuà sa grandeur envoyer ay dit Seingneur de
Saint Didier, exhibées par lesdits comités et lui retirée, datée à
Pézenas, le XVIIIe ??? au présent.
Ont signé : Lambert Thiville, Mr de Cheminades, Jasques Macel Brugeyronis"
Dès 1582, les états du Gévaudan se prononcent en faveur du
démantèlement d'une demi-douzaine de forteresses gévaudanaises, dont le
château de Saint Laurent. Cette décision est sans résultats pour Saint
Laurent à cette époque.
S'ensuit une période troublée. Les guerres de religion, les guerres
de Rohan, la pauvreté générale, font que la petite noblesse du Gévaudan
tend à installer sur la région des régimes autoritaires brutaux et
parfois voleurs, sans aucune régulation de la part de la faible
administration royale.
Vers 1610, M. de la Salle est seigneur de Saint Laurent, est
protestant très convaincu. Il ne veut "ni prêtres, ni messes sur sa
terre". Comme beaucoup d'autres seigneurs cévenols, il s'était approprié
les terres et les biens de l'église.
En 1626, Philippe de Thézan
est seigneur de Saint Laurent. En 1628 est ouvert au château de Saint
Laurent le testament de César de Thézan, mort aux armées, dans lequel
celui-ci exprime son désir d'être enseveli au cimetière de Saint
Laurent, au tombeau de ses prédécesseurs. (cdaf, p. 23). Le château passe ensuite aux mains de François de Thézan, frère de César, Seigneur de La Salle.
Mais l'état montre une volonté de reprendre de l'autorité. Au
lendemain de la paix d'Alais (28 juin 1629), Richelieu fait détruire
plusieurs châteaux qui servaient de repère aux perturbateurs. C'est dans
ce contexte qu'en 1633, Monsieur de Machault, conseiller d'état et
maître des requêtes de Louis XIII, fait raser le château, qui occupait
entre Gévaudan et Cévennes une position stratégique très importante. Il
ne s'agit donc pas, comme on l'entend parfois, d'une démolition survenue
à la révolution pour affaiblir la noblesse. Le propriétaire reçoit une
indemnité de 6000 livres pour la perte de son bien. Les fortifications
de Florac (1629), de Grèzes et de Peyre sont démolies dans les mêmes
conditions. (lpj, p. 218).
Les pierres du château ont ensuite été progressivement récupérées
pour des besoins divers des bâtiments des alentours. Dans le "Guide du
voyageur en France", édition de 1866, page 333, Richard signale encore
les "restes d'un ancien château". Mais aujourd'hui, il ne reste
quasiment plus la moindre trace de l'édifice. Voici une liste des
derniers vestiges réels et supposés:
- On peut voir, dans le linteau d'une clède restaurée qui s'ouvre sur
la place du parking situé au pied de la montée vers le castelas, une
pierre aux armoiries du château, très effacée par le temps.
- Les perforations que l'on observe sur plusieurs plaques
rocheuses du flanc ouest du castelas sont peut-être des restes
d'ancrages ayant servi à consolider les fondements de certains murs ?
- Des restant de mortier sont encore visibles ça et là autour du plateau, comme dans la grotte des dinosaures.
- Quelques ondulations et trous sont visibles dans l'herbe du
plateau, qui pourraient être des restes de murs. On particulier, deux
ronds près du sommet du chemin ont été interprétés par Robert Poujol
comme les restes potentiels des deux tours d'entrée.
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