Les enfants et les chèvres
Les enfants râlent, râlent. On veut ENCORE les emmener en balade. Eux, ils voudraient
qu'on leur foute-la-paix ! Et ils argumentent : on a des semaines crevantes, alors
le week end, on veut rester bien peinards à la maison, à faire de l'ordi, causer
avec les copines par internet et regarder des films de notre âge. Vous voulez toujours
nous imposer vos trucs, vous avez qu'à y aller tous seuls !
Discussion récurrente. Tous leurs copains ont des portables et peuvent faire de
leurs journées ce qu'ils veulent, y a que nous qui leur imposons ça, et gna gna
gna... Parfois (souvent), on lâche, on craque. On reste peinards à la maison à glander
avec eux. La colère passée, on finit d'ailleurs par admettre que ça n'est pas si
désagréable que ça... Ou alors on part tous les deux, et on se tape notre balade
bien peinards...
Mais de temps à autres, on tient le choc. On résiste. On campe sur nos positions,
avec force menaces, cris, promesses, suppliques, et on finit par enfourner la troupe
de gré ou de force dans la voiture à destination rurale parfaitement ringarde. Le
trajet se fait généralement dans une atmosphère maussade. Il y a des larmes, ou
des mines très, très allongées. Pourtant, à partir de là, nous les parents on le
sait bien, c'est gagné. Car, invariablement, une fois les enfants lâchés dans la
neige, dans la forêt, à la rivière... la magie de l'endroit fonctionne. Après quelques
ultimes tentatives pour nous donner mauvaise conscience, les enfants recommencent
à se parler normalement, à rire, à se montrer des choses, à courir ensemble vers
un objectif qu'on ne sait même pas deviner.
Cette fois là, le départ avait été particulièrement pénible. Une balade à VTT, la
traversée de la can depuis le col du Rey jusqu'à Balazuègnes... Nous voici arrivés
chez Anne. Elle est à la traite. Dans la bergerie il fait bon, les chèvres dégagent
en toute saison une chaleur animale bienfaisante. Voilà près d'un an que nous n'étions
pas venus. Les enfants regardent les chèvres avec une curiosité renouvelée, ils
rient en se montrant les particularités de celle-ci, ou le comportement bizarre
de celle-la. Et
puis ils s'enhardissent, et pour la première fois, ils pénètrent
à l'intérieur des box, au milieu du troupeau qui les entoure et les assaille de
mille coquineries.
C'est un moment de pur bonheur, de communication intime et profonde avec les chèvres.
Il y a de la joie, de la chaleur... humaine, si si. Est-ce la même famille qu'il y a quelques heures ? Ou sont passées les larmes ?
La traite, les tentatives de chacun à extirper un peu de lait de ces drôles de mamelles,
sont un dernier moment d'émerveillement...
Ce soir là, la maison était pleine d'harmonie !
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