La nuit en montagne

Lire aussi à ce sujet : « La rupture« 

Je dors très rarement en refuge. Sans généraliser, certains d’entre eux représentent l’opposé de ce que je viens chercher en montagne. Il y a trop de monde. Il y règne parfois une ambiance individualiste et de compétition que je n’aime pas. Il y a du bruit, du manque d’intimité. Et puis évidemment, dormir au refuge implique de se tenir à l’écart de beaucoup d’itinéraires, ou cela allonge substantiellement le chemin… et enfin, mine de rien, cela revient cher pour un petit budget comme le mien

Allez, soyons honnête tout de même : je ne crache tout de même pas totalement dans la soupe. Il reste quand même plein de petits refuges à l’écart, bien agréables… et puis, quand on est pris dans la tourmente, on ne fait pas le difficile lorsque la silhouette d’un toit pointu apparaît au travers du blizzard. N’empêche, je reste le plus souvent à l’écart.

Bref, comme je voulais continuer à passer de longs moments en montagne, j’ai dû apprendre à bivouaquer. Des bivouacs, avec tente et duvet, avec duvet mais sans tente, sans tente et sans duvets, prévus ou subis, heureux ou franchement limites, sous les étoiles, la pluie ou la neige, à 1500 ou 4000 m, en été comme en hiver, dans une crevasse… je peux dire que j’en ai connu, probablement plus que la grande majorité des alpinistes qui généralement préfèrent passer le moins possible de temps en montagne – philosophie que je n’ai jamais bien comprise… Si donc j’ai acquis une compétence particulière, c’est peut-être celle-là, et je me suis dit que partager mon savoir faire à ce sujet valait bien une petite rubrique.

Voici donc quelques conseils pour un bivouac en haute montagne ou en conditions de haute montagne : froid, neige, vent.

Alors, où faut-il dormir ?

Les nuits sont à soigner particulièrement lorsque l’on dort dehors. Elles devraient toujours être réparatrices, calmes… elles peuvent parfois être éprouvantes, angoissantes… ou glaciales. Il faut soigneusement choisir la manière dont on va passer ses nuits :

  • A priori, lors d’un raid correctement organisé, on choisit la solution du camping. Il faudra pour ça un matériel et un savoir faire appropriés. Avantage : le confort. Inconvénient : le poids, et la place nécessaire pour installer le camp.

Mais il se peut que l’on choisisse de dormir sans tente :

  • dans un igloo. Avantage : très confort. Inconvénient : long et pénible à construire, impossible par certaines conditions de neige.
  • dans un trou à neige. Avantage : assez rapide à construire. Inconvénient : rustique (!), impossible par certaines conditions de neige.
  • à la belle étoile. Avantage : ultra rapide à installer. Inconvénient : tout dépend du temps qu’il fait et de la qualité de votre duvet !
  • Enfin, en cas de retard, de tempête… il faut parfois s’arrêter pour la nuit alors que ce n’était pas prévu, c’est la nuit sans duvet ! Là, c’est limite, mais il faut s’y préparer car ça arrive

Vous trouverez dans cette rubrique des conseils pour chaque situation, y compris pour les moments ou vous êtes dans la tente, ou que vous la démontez.

Le trou à neige

Si vous aviez prévu de dormir dans un igloo mais que la qualité de neige n’est pas propice, ou si vous n’avez pas le temps ou pas l’énergie d’en fabriquer un, reste la solution du trou à neige : on essaie de s’enterrer au mieux pour conserver un peu de chaleur et se protéger des éléments (vent, précipitations).

Si aucune précipitation ne guette, cela peut être un simple trou entouré de murettes de neige pour couper le vent.

S’il neige, une bonne solution consiste à trouver une pente de neige raide, et à y pratiquer un trou horizontal permettant de constituer un semblant de toit.

Quelques cas de figure permettent de se loger vite, bien et à pas cher :

La neige croûtée

  • repérez alors une bosse de neige, ou une pente raide, cassez la croûte pour constituer l’entrée et évidez la neige du dessous, qui est souvent de la poudreuse facile et rapide à déblayer. Vous pouvez avec un peu de chance disposer d’un abris d’aussi bonne qualité qu’un igloo en 1/4 d’heure. Par contre faites gaffe à ne pas marcher dessus par mégarde, vos copains vont râler quand ils vont vous recevoir sur le coin de la figure et qu’en plus il faudra tout recommencer.

Les formes naturelles

Il y a en particulier deux types d’endroits ou on peut trouver des abris naturels quasi achevés :

  • Au pied des barres rocheuses. Il y a souvent des accumulations de neige qui complètent le mur formé par la paroi pour donner naissance à des sortes de grottes, ou en tout cas des abris
  • Les rimayes ou certaines crevasses non verticales. J’ai parfois dormi dans des crevasses qui étaient de vrais palaces naturels. Il suffit d’en repérer qui sont en grande partie bouchées et laissent apparaître une petite ouverture. La neige accumulée à l’intérieur est dans la plupart des cas très légère et facile à manipuler pour aménager les espaces plats et confortables. C’est souvent la solution la meilleure en cas de bivouac « d’urgence ».

A la belle étoile

C’est le bivouac réduit à sa plus simple expression : on se pose sur la neige, on enfile son duvet et le tour est joué. C’est un choix, il vaut mieux être très bien équipé (excellent duvet, éventuellement sursac en goretex) car la température sera souvent d’une dizaine de degrés inférieure à ce qu’elle serait dans une tente, sans compter les effets du vent, des précipitations.

C’est une pratique à réserver aux météos sûres et clémentes : pas de vent, pas de précipitation attendue. Un ciel clair et étoilé n’est pas forcément la meilleure chose, il indique que la nuit va être très froide.

Ne pas oublier de se poser la question « Si le temps se gâte durant la nuit, qu’est-ce que je ferai ? »

Réveil dans la rimaye

Passer la nuit de hors sans duvet

Si vous êtes dans ce cas de figure, en principe c’est que vous vivez un bivouac improvisé, imposé par les circonstances. Il est en effet plutôt rare de choisir sciemment cette solution avant le départ, vu l’inconfort qu’elle génère, mais il y a des fous qui le font, pour gagner quelques kilos.

Vous êtes donc obligé de vous arrêter, soit parce que le temps s’est dégradé, soit parce que vous avez avancé plus lentement que prévu et que vous n’atteignez pas le refuge, etc…

Bivouaquer sans duvet en haute montage, c’est déjà flirter avec des situations dangereuses, approcher des limites. Cela peut coûter la vie, il faut faire le maximum pour ne pas se refroidir :

  • Essayer par tous les moyens de se protéger du vent. L’igloo ou le trou à neige sont les meilleures solutions, le simple fait de les construire vous permettra au moins de vous réchauffer. Si vous ne pouvez pas en construire, cherchez un lieu abrité, sous un rocher, dans une crevasse, etc…
  • Isolez vous du sol, par exemple en vous asseyant ou allongeant sur vos sacs à dos.
  • Partagez la chaleur avec vos coéquipiers : enlevez vos vestes, allongez-vous très serrés les uns contre les autres, et faite-vous une couverture avec toutes les vestes.
  • Soyez attentifs à votre état pour adapter votre attitude :
  • Si une fois installés vous avez raisonnablement froid vous pourrez vous laisser aller à dormir (par intermittence, ne vous attendez pas à faire une grande nuit !).
  • Si le froid reste très important, il ne sera pas possible ni souhaitable de dormir. Il faudra sans cesse se frictionner, remuer. Régulièrement il faut se lever, s’agiter, courir… Si des signes de gelures aux extrémités se font sentir il faut enlever les gants ou les chaussures, frotter ou se faire frotter.
  • Enfin, dans ce genre de circonstance le moral est un facteur déterminant. Soutenez-vous les uns les autres, parlez beaucoup, racontez-vous des histoires…

Ca sera une très, très longue nuit ! Mais le pâlissement de l’horizon annonçant l’aube sera une merveilleuse récompense pour tous.

Ceci dit, si vous êtes en terrain facile, et que vous avez de la visibilité (bref, il fait beau, mais si vous vous retrouvez là c’est parce que vous avez lambiné), je pense que la meilleure solution est tout simplement de continuer à avancer. C’est sûr, une nuit blanche ce n’est pas de tout repos, surtout quand ça arrive après une grosse journée. Mais au moins vous n’aurez pas froid, et il n’est pas impossible que ça soit finalement un bon souvenir car les ambiances nocturnes peuvent être fantastiques !

Le matériel de bivouac

Le matériel de bivouac est d’une importance énorme pour le confort, voire pour la survie.

La tente

Dans l’idéal elle doit être ce qu’on appelle « 4 saisons », c’est à dire conçue pour le froid, la neige et le vent. Une telle tente coûte cher (à partir de 700 euros pour 3 places) mais… ce qu’on peut y être bien !

Il est bien sûr possible de s’accommoder d’une « 3 saisons », beaucoup moins chère et moins chaude, je l’ai fait durant de nombreuses années, mais les nuits seront moins agréables : on perd plusieurs degrés, en cas de vent la tente bouge beaucoup plus et ça peut être inquiétant parfois, il y a souvent d’importants problèmes de condensation…

Dans tous les cas, veillez à la qualité du tapis de sol qui doit être parfaitement étanche ! Cela n’empêchera pas de l’humidité d’arriver par en dessous (l’humidité de l’air de la tente se condense au contact du tapis de sol qui est à la température de la neige), mais ça limite fortement quand même, et il faut bien comprendre que l’humidité est, avec le froid, l’ennemi n°1 sous tente en montagne. Rester sec est un gage de confort mais aussi de sécurité très important.

Sachez que plus vous serez nombreux dans la tente, plus vous aurez chaud lorsqu’il fera très froid dehors. Il faut trouver le compromis entre le confort thermique et le confort de l’espace. Personnellement, j’essaie toujours de bien remplir les tentes. Une tente « 2 personnes confort » peut sans problème contenir 3 personnes, une « 3 personnes confort » contiendra 4 adultes, voire 3 adultes et 2 enfants, etc…

Le duvet

Autre élément clé du bivouac. La qualité du duvet est principalement décrite par leur « température de confort » et leur « température extrême ». Ces deux chiffres ne sont pas toujours très fiables, mais disons que pour dormir correctement sous tente lorsqu’il fait -20°C dehors (ce qui peut être le cas en été à 4000m ou en hiver à 2500m), il faut un duvet « confort -10°C » au minimum. Pour un bivouac sans tente il faudra du… -20 confort, évidemment.

Il existe des duvets… en duvet, et des duvets synthétiques. Mon expérience d’aujourd’hui me fait préférer le synthétique, qui est un peu moins cher pour une température équivalente, mais surtout sèche beaucoup plus vite. Il faut savoir en effet que l’humidité est l’ennemi n°1 dans une tente plantée dans la neige : la condensation est très forte, la glace qui fond en permanence des parois humidifie sans cesse les duvets, et l’humidité arrive aussi par en dessous. Dans de telles circonstances, ce duvet en duvet restera mouillé très longtemps, formera des boules de duvet entourées d’espaces vides au travers desquels le froid entrera comme dans un moulin. Par contre, le duvet en duvet peut être très, très chaud et douillet lorsqu’il est bien sec… rien n’est parfait.

Si tu n’as pas de bon duvet, n’hésite pas à en prendre 2 de qualité moyenne que tu enfile l’un dans l’autre, cette astuce pèse lourd mais permet facilement d’atteindre -10°C confort, même avec des duvets de base. Si tu utilise cette astuce, il te faudra t’arranger pour que les duvets puissent se fermer correctement autour des épaules, au besoin en y cousant des cordons.

Une dernière solution que j’ai testée et qui m’a semblée un excellent compromis poids / efficacité pour ceux qui n’ont pas de bon duvet : prenez chacun un duvet de qualité moyenne (genre 0°C) et, en plus pour chaque tente, un duvet supplémentaire qui s’ouvre en carré. Mettez le par dessus tout le monde une fois chacun dans son duvet, et tassez-vous. Il règnera déjà, sous cette première couche collective, une agréable chaleur animale partagée. Mettez les plus frileux au milieu, et évitez de trop bouger, sinon ceux qui sont sur les bords auront froid dès que cette couverture tombera.

Le tapis de sol

C’est un accessoire indispensable. Dormir le duvet à même le tapis de sol de la tente, voire à même la neige est tout bonnement impensable car le froid se transmet très bien au travers du duvet compressé… Par grand froid, un simple pied qui dépasse du karrimat et repose sur le sol est rapidement engourdi voire partiellement insensible, c’est pour dire !

Pour dormir sur la neige, les petits tapis de sol en mousse compressée de 1 cm d’épaisseur sont insuffisants, on sent parfaitement le froid au travers. Prenez au minimum un gros tapis de sol en mousse (environ 2 cm d’épaisseur), ou 2 petits l’un par dessus l’autre. Encore beaucoup mieux : investissez un matelas autogonflant (genre Therm-a-rest), un peu plus lourd et beaucoup (beaucoup !) plus cher mais thermiquement très efficace, et qui apporte aussi un réel confort supplémentaire en adoucissant les bosses de neige (les matelas de mousse n’apportent aucun confort). Il en existe là aussi plusieurs épaisseurs, 3 cm me semble déjà correct, 4 cm encore mieux. Inconvénient : ils sont assez fragiles et se percent facilement. Il faut impérativement emporte un kit de réparation pour les crevaisons !

Une pelle à neige

A ne surtout pas oublier pour faire une plate-forme en cas de nuit sous tente, faire des blocs pour un igloo, ou pour creuser un trou si vous dormez à la belle. Creuser au piolet est épouvantablement long. Il existe des pelles à neige à manches rétractables qui se casent facilement sur le sac. En tout cas, prend du solide, sinon tu la cassera dans la neige dure et tu auras l’air d’un con dans la tempête. Il existe aussi des modèles de petite taille qui s’emmanchent sur le piolet. Jamais essayé, mais ça ne m’inspire pas, ç a me semble trop petit pour être très efficace …

La nuit sous tente

Voir aussi : « Eloge des camps« 

Le bivouac avec tente est pour moi une merveilleuse manière d’être en montagne avec à la fois un haut degré de liberté et de sécurité : équipés d’une bonne tente et d’un bon duvet, on peut en toute quiétude s’aventurer très avant dans les massifs même en cas de météo incertaine, même si on ne sait pas exactement la durée que va prendre l’itinéraire choisi. On peut ainsi transformer des moments de souffrance, de froid et de peur en cas de gros mauvais temps en d’agréables séjours au fond du duvet avec un bon bouquin.

Cette rubrique propose quelques conseils pour installer un camp dans lequel il fera bon vivre. Si tu n’as pas de tente, reporte toi au chapitre « L’igloo ou le trou à neige »

Au chaud dans la tente, camp du glacier de Rosoire

Préparer le site

Première règle : la tente doit être partiellement enterrée (enneigée) : plus elle est profondément placée, moins elle sera sensible au vent, et meilleur sera le confort et la sécurité en cas de gros vent.

Pour cela, choisis un endroit :

  • le plus horizontal possible
  • à l’abri du vent dominant si la topographie du lieu le permet
  • avec de la neige molle et profonde si possible (permet de creuser plus facilement)

Creuse une plate forme avec la pelle à neige, la plus profonde possible (de 20 cm à 1m de profondeur, selon la dureté de la neige). Tasse la neige avec les pieds jusqu’à obtenir une plateforme dure et bien plane (enfin, avec le moins possible de bosses). Une répartition des rôles qui a fait ses preuves : un qui creuse à la pelle, les autres tassent au pieds et déblaient la neige en trop.

Si le sol est horizontal, ta plateforme sera entourée de tous côtés de murs de neige. Si le sol est en pente, l’un des côtés sera dominé par une muraille de neige et l’autre donnera directement sur la pente. Il est possible de creuser des plateformes dans des pentes assez raides (plus de 30 degrés) si la neige est épaisse… et pas trop dure, car il faudra alors en enlever beaucoup.

Attention, prévoir une plateforme beaucoup plus grand que la taille de la tente

Le travail de pelletage se termine. Des blocs ont été sortis pour faire des murettes. La tente est déjà montée et va permettre de tester la terrasse.

Ce qui se passe lorsque la plateforme est trop exigüe

Si vous dimensionnez votre plateforme aux dimensions exactes de la tente, les parois de neige et celles de la tente se toucheront. Cela sera gênant pour deux raisons :

  • S’il y a du vent, la neige soufflée s’accumule très vite dans l’interstice et monte rapidement jusqu’au sommet de la tente, qui va ployer sous le poids
  • Lorsque vous aurez besoin de circuler autour de la tente, vous marcherez sur le double toit (si vous avez les crampons au pied elle sera vite percée !), et vous la massacrerez avec vos coups de pelle à neige lorsque vous déneigerez

L’expérience montre qu’on a TOUJOURS tendance à sous-estimer la surface nécessaire. Pour ne pas se tromper, l’idéal est de monter la tente à l’avance (c’est facile avec les modèles modernes de tentes igloo), et de la mettre en place de temps en temps pour vérifier ce qui reste à déblayer. Attention : une fois que la tente est monte, mais avant qu’elle ne soit fixée, elle va avoir une forte tendance à s’envoler au moindre souffle d’air… attachez la à un piolet.

Si la neige est compacte, profitez du creusement de la terrasse pour tailler des blocs de neige que vous positionnerez autour de la terrasse pour améliorer encore la protection au vent.

Cette première étape peut être assez longue, en particulier si la pente est raide : on y passe fréquemment plus d’1/2 heure, et on se paie de bonnes suées. Si en plus t’es à 4500 tu va vraiment cracher tes poumons, essaie de te ménager sinon gare au mal de tête.

Monter la tente

Une fois la plateforme creusée, place la tente comme d’hab’, en veillant à la meilleure orientation possible de la porte (vent dominant, facilité d’accès). Précaution importante avant de monter la tente : tout le monde enlève ses crampons sinon il y aura bientôt plein de trous dans la toile !

Comment utiliser les sardines dans la neige ?

C’est en effet un problème spécifique au montage d’une tente dans la neige. Il n’est pas possible de planter les sardines normalement : si la neige est glacée elles n’entreront pas, si au contraire elle est trop molle elles ne tiendront pas. Voici quelques techniques qui vous permettront d’arriver à vos fins :

  • Si la neige est relativement compacte, je la tasse à coups de talons sur une surface de quelques dm², puis j’y enfonce normalement ma sardine. Enfin, je recouvre le tout de neige que je tasse encore une fois.
  • Si la neige est molle, après avoir tassé la neige comme précédemment, j’utilise la sardine comme un « corps mort ». Pour cela, je creuse une petite tranchée perpendiculaire au sens dans lequel le fil de la tente va tirer, je passe ce fil autour du centre de la sardine, je place celle-ci dans la rigole, je recouvre de neige et je tasse (si vous ne visualisez pas le truc, consultez la page « Le corps mort« , c’est le même principe). Parfois on pique de belles colères car tout explose dès qu’on a le dos tourné, ça c’est vraiment vache !
  • Dans les pires des cas, lorsque plus rien ne fonctionne : plantez un piolet ou enterrez une paire de crampons…

Une fois la tente en place, colmater avec de la neige l’intervalle entre le sol de la plateforme et le bas du double toit. Ce simple geste te fera gagner plusieurs degrés à l’intérieur, en particulier par temps de grand vent.

La tente est maintenant en place entre ses murettes

Avant de rentrer

Quelques dernières tâches à effectuer avant de rentrer dans la tente :

  • Vider et trier le contenu des sacs à dos : les fringues et le duvet vont à l’intérieur, la bouffe et le sac à dos lui même dans l’abside, le matos reste dehors.
  • Pisser un coup, après c’est une telle aventure pour ressortir qu’il vaut mieux prendre ses précautions.
Derniers moments dehors avant de rentrer. Les bases des parois de la tente sont rendus étanches au vent grâce à de la neige.

La vie à l’intérieur de la tente

Que vous dormiez dans une tente, dans un igloo, voire dans un trou à neige, le respect d’un certain nombre de précautions pourront faire la différence entre une mauvaise et une bonne nuit :

L’installation à l’intérieur

  • Gaffe en entrant !!! Laisse dehors tout ce qui peut mouiller l’intérieur. Enlève la veste et les coques plastiques dans l’abside, ne rentre que les chaussons.
  • Etale les matelas isolants pour constituer un double sol. Si tu as une couverture de survie plastifiée, place la sur le tapis de sol de la tente (qui a une fâcheuse tendance à ne pas être tout à fait imperméable), sous les matelas mousse.
  • Tant que c’est possible, laisse de l’aération dans la tente (soie en utilisant les aérations prévues, soit en laissant ouvert l’une des portes), cela évitera beaucoup de condensation. Fais chauffer les aliments dans l’abside, cela évitera également énormément de condensation.
  • Rangement : tout ce qui va toucher la paroi de la tente sera probablement mouillé. Ne place donc sur les bords que ce qui ne craint pas l’eau, ou est placé dans un sac plastique. Le reste : dans le duvet (voir plus bas), ou dans le sac de toile du duvet qui fera ensuite guide d’oreiller.

Gérer les habits

  • Pour la nuit : change toi intégralement pour mettre des fringues « spéciales nuit » que tu n’utilisera que la nuit. Elles te permettront de dormir de manière plus confortable car elles seront sèches… et plus soyeuses, si si, ça compte, crois-moi.
  • Durant la nuit : mets tes habits de journée à l’intérieur du duvet. C’est la seule solution pour ne pas les retrouver désagréablement froides le lendemain matin. Sache que l’on peut également avec cette technique faire sécher en quelques heures des fringues mouillées. Prends-les au plus près de ton corps, voire même sur toi dans le duvet. c’est désagréable au début, mais la chaleur du duvet aidant on s’y fait et puis c’est tellement génial de constater au petit matin qu’alors que tout est gelé autour mon pantalon est sec. Pour d’autres conseils sur ces aspects, voir l’habillement.
  • Le duvet : il faut le fermer au maximum : les bons duvets ont deux cordons, un qui se serre autour du coup, et un qui serre la capuche autour du visage. En cas de grand froid, il est nécessaire de bien serrer ces cordons, au besoin jusqu’à ne plus laisser dépasser que le bout du nez !
Scènes de vie assez classique à l’intérieur

Quand il neige dehors…

En cas de grosse neige, une couche importante peut s’accumuler sur la tente (genre 20, 30 cm ou plus). Avec 10 cm une tente de mauvaise qualité commence à ployer, mais même les meilleures ploient à un moment ou un autre. Ce n’est pas grave en soi, en principe elles ne vont pas casser, mais cela rend la situation rapidement inconfortable à l’intérieur :

  • il est de plus en plus difficile de ne pas « toucher » les parois et donc de rester sec
  • simultanément, le volume intérieur diminue et l’air circule de moins en moins bien entre le dehors et l’intérieur, on a vite du mal  respirer, cela peut carrément aller jusqu’au mal de tête et à l’oppression. Un signe qui ne trompe pas : le réchaud parait faible, les bougies ont du mal à brûler ou s’éteignent carrément : le manque d’air frais devient important.

Donc pas le choix, il faut sortir déneiger. Sortir du duvet, remettre les chaussures et la veste, ouvrir l’abside, se prendre le paquet de neige sur la tête, supporter les insultes des deux autres larves qui sont restées dans le duvet et te demandent de fermer la porte au plus vite et d’arrêter de mettre de la neige partout… et ensuite il faut se jeter dehors, dans un froid qui paraît parfois horrible après la douceur du duvet. Ensuite, pas de conseils autres que celui de faire bien attention à ne pas percer la toile de tente avec la pelle à neige, c’est une erreur facile à faire.

Dernière chose enfin : séjourner dans une tente perdue dans la montagne reste, en cas de gros mauvais temps (chutes de neige importantes, fort vent, grand froid), une aventure qui peut être éprouvante : on s’inquiète de la résistance de la tente, on échafaude des hypothèses catastrophistes (le gros mauvais temps va s’installer très longtemps, etc…)

Tout est affaire de moral : il faut savoir consacrer le temps nécessaire à l’entretien du camp (déneigement, retendre les câbles, etc…) même si cela implique de sortir souvent, et il faut ensuite jauger jusqu’à quel point on peut rester. Autant le mauvais temps passager est fréquent en haute montagne, autant il semble difficile qu’un vrai gros mauvais temps dure plusieurs jours si une vraie perturbation n’a pas été annoncée par la météo. Plus généralement, il y a des alternances de mauvais et des moments d’éclaircie durant lesquels la vue s’améliore, la température remonte un peu… ce sont ces moments qu’il faut savoir choisir pour redescendre si on est bloqués depuis longtemps déjà.

Le démontage du camp

Qu’on dorme en tente, en igloo ou à la belle, le démontage du camp est souvent une affaire de moral : il faut quitter un univers douillet et protégé pour sortir au grand froid, parfois au vent, parfois dans la nuit, parfois sous la neige !

Démontage au petit matin glacial (col du midi)

On recherche donc généralement à minimiser le temps entre le moment où on sort du duvet et celui où on démarre la progression. Voici un exemple de manière de procéder lorsqu’on est sous tente :

  • Réveil. Mettre de la neige à fondre sous l’abside de la tente pour le petit dej’
  • Pendant ce temps, tout le monde sort du duvet, s’habille, puis plie tout ce qui peut se plier et le range dans les sacs.
  • Prise du petit dej’. Dernier moment calme avant l’action.
  • Lorsque le petit dej est terminé : tout le monde dehors, sauf une personne qui reste dedans, pour balancer le matériel à l’extérieur au fur et à mesure que les autres le rangent dans leurs sacs.
  • Le dernier sort, tout le monde se précipite pour plier la tente pendant que le dernier range son propre sac.

C’est facile à dire comme ça, l’expérience montre qu’il est très rare que l’enchaînement de ces étapes dure moins de 1 heure 30 (la même durée que le montage, en fait). C’est donc une composante importante du calcul des horaires !

L’igloo

L’igloo est une excellente solution pour bivouaquer sans tente. Un igloo bien construit présente plusieurs avantages sur une tente :

  • Sa solidité est à toute épreuve, en particulier face au vent.
  • Pas besoin de sortir déneiger, même en cas de chutes de neige abondante, l’igloo résistera à des masses importantes sans s’aplatir comme une tente.
  • Quelle que soit la température extérieure, à l’intérieur la température peut monter très nettement au dessus de zéro lorsque tout le monde s’agite, et en tout cas ne descendra jamais très bas.
  • Il constitue un abri de meilleure « qualité psychologique » en cas de gros mauvais temps : on n’y entend pas le vent, on est réellement isolés de l’extérieur et des soucis qui s’y rapportent
  • On peut lui donner la forme et la taille que l’on veut, si on s’installe pour plusieurs jours on peut l’agrandir peu à peu…
  • Il pèse toujours le même poids dans le sac à dos : celui de la pelle à neige.

Par contre l’igloo présente quelques inconvénients notoires :

  • Il est long à bâtir. Pour un igloo de 3 personnes, si tout le monde s’y met, comptez au moins 1 heure si vous disposez d’une pelle à neige, au moins 2 heures si vous travaillez au piolet. Si la tempête fait rage, c’est encore plus long, et ça peut être très, très démoralisant.
  • Il n’est pas compatible avec toutes les sortes de neige : il faut soit une neige collante que l’on peut agglomérer pour former des blocs, soit une neige déjà agglomérée, genre neige polystyrène. Rien à faire avec une neige poudreuse ou une neige « gros sel ».
  • On s’y mouille plus facilement que dans une tente.

Pour ces raisons, l’igloo n’est probablement pas à utiliser dans le cadre d’une balade classique ou l’on reste juste une nuit à chaque endroit. Il est donc :

  • soit une solution de secours en cas de bivouac imprévu
  • soit une excellente solution pour un camp de base devant servir plusieurs jours.

Fabriquer l’igloo

La préparation du site

Creuser un « pré-trou » dans la neige, représentant la surface au sol de l’intérieur de l’igloo. Quelque chose comme 2m50 pour 3 personnes, 3m pour 4 à 5 personnes. Vous allez voir, dit comme ça c’est facile, mais ça fait grand… et donc c’est beaucoup de travail.

Ce trou permettra de gagner 10, 20… 50 cm ou plus sur la hauteur des murs à construire, ce qui n’est pas négligeable ! Bien tasser cette plate forme.

Préparer une « carrière à blocs » (lieu d’où l’on extraira des blocs de neige pour les mettre en place. Pour cela, tailler une surface verticale dans la couche de neige, puis à partir de celle ci découper des blocs. Le creusement de la plateforme initiale vous permettra déjà d’extraire quelques blocs.

La pelle permet de « sortir » un bloc en 4 coups : côté droit, côté gauche, derrière, puis dessous, ce qui décolle le bloc. Avec un piolet la démarche est plus longue : chaque trait de coupe est progressivement creusé à l’aide de la tête du piolet jusqu’à atteindre la profondeur désirée. C’est long, et on en casse souvent…

Plus les blocs sont grands, plus l’igloo montera vite. Grâce à leur neige polystyrène et le matériel qu’ils utilisent (une bonne scie à neige), les inuits travaillent avec des tailles de l’ordre de 80 cm de large, 50 cm de haut, 30 cm d’épaisseur. Chez nous, si on arrive à sortir des blocs de 50 cm de large, 30 cm de haut, et 30 cm d’épaisseur c’est déjà bien.

Le montage des murs

Disposer au sol une première première rangée complète (la porte sera ouverte ensuite).

A partir de là, deux choix s’offrent à vous :

  • Soit vous montez les murs par rangs horizontaux. Chaque nouveau rang doit être démarré par la pose d’un premier bloc qui, lorsque l’on sera en haut de la construction, penchera vers l’intérieur et devra donc être maintenu par une personne restant à l’intérieur de la construction sous peine de s’écrouler. Cette méthode est un peu plus rapide, mais inutilisable lorsqu’on est seuls.
  • Soit vous montez vos murs en un unique rang hélicoïdal (à privilégier lorsqu’on est seul). Pour cela :

Tailler en biais cette première rangée, de manière à ce que le premier bloc soit rogné jusqu’au niveau du sol, et que progressivement la rangée s’élève jusqu’à la hauteur d’un bloc complet au bout d’un tour.

Ce premier rang constitue une rampe sur laquelle on peut monter successivement les autres blocs en hélice, en permettant à chacun de s’appuyer sur le précédent. Une fois chaque bloc posé, il est utile de tailler au piolet ou à la pelle à neige la jonction entre le dernier bloc posé et le bloc précédent, de telle sorte qu’ils jointent correctement.

Monter verticalement sur 50 cm, et à partir de cette hauteur réduire rapidement le diamètre en faisant pencher les blocs vers l’intérieur. Si la neige n’est pas très collante, il sera nécessaire de tenir le dernier bloc posé le temps de mettre le suivant en place. Pour cela une personne se dispose à l’intérieur de la construction et soutient les blocs au fur et à mesure de leur pose.

A la fin il reste un trou au plafond, tailler un bloc de forme appropriée et le laisser s’encastrer dans l’ouverture. Adapter sa forme en taillant en place avec le piolet ou la pelle à neige.

Calfeutrez les trous existant entre les blocs avec de la neige, à l’intérieur et à l’extérieur.

Les ouvertures

Une fois la structure de blocs entièrement montée, ouvrir une porte, pas trop grande (60  cm de haut).

Il est fortement conseillé de créer une entrée « surbaissée », c’est à dire sous la forme d’une rampe qui descend sous le niveau du sol de l’igloo et remonte à l’intérieur. En effet, puisque la chaleur monte, l’igloo construit sur ce modèle est un véritable piège à chaleur. Çà prend un peu de place sur l’espace disponible à l’intérieur, mais c’est un vrai confort.

Construire au dessus de la rampe d’accès un petit tunnel pour la protéger du vent.

Enfin, n’oubliez pas de laisser au moins une aération : un trou de 5 à 10 cm de diamètre, vers le haut du dôme, dos au vent dominant. S’il neige fortement et que vous avez fermé l’entrée de l’igloo, il faudra penser à le déboucher régulièrement sinon vous allez rapidement tous mourir d’étouffement !

Une nuit, au cours de je ne sais plus quelle ballade, nous dormions dans un igloo. Dehors, la neige tombant sans cesse avait bouché à notre insu toutes les ouvertures. La chaleur, le confort et le silence du lieu, malgré l’enfer qui se déchaînait dehors, nous avaient permis de dormir d’un sommeil de plomb. Au milieu de la nuit je m’étais soudain réveillé angoissé, oppressé, sans comprendre pourquoi. Ma respiration était difficile. Inquiet de ce qui m’arrivait, j’avais essayé d’allumer une bougie, mais le briquet semblait ne plus fonctionner. Enfin une minuscule flamme était apparue et s’était transmise à la bougie, mais ne prenait pas d’ampleur, vivotait lamentablement. Un de mes coéquipiers s’était réveillé à son tour, et jaugeant la scène d’un coup d’oeil s’était écrié : « Bon sang, Marc, il n’y a plus un pet d’air dans cette kasba ! ». Comme un fou, pris d’une crise de claustrophobie subite,  j’avais explosé le bouchon de neige qui obstruait l’entrée. Un flot d’air glacé et plein de vie s’était rué à l’intérieur et avait inondé nos poumons en manque.

La flamme de la bougie prit alors toute son ampleur.

Bonne nuit !