La progression en raid suit les règles générales de l’alpinisme. Les principaux cas sont présentés ici. Retenez déjà la règle universelle valable dans tous les cas :
Règle n°0 : Il faut être correctement encordé !
A chaque type de terrain son encordement, si vous n’êtes pas dans la bonne configuration,vous vous exposez de toute manière à de graves problèmes ! Reportez-vous donc avant tout à la page l’encordement.
Le matériel de progression
Le sac à dos
Oui, je sais, le sac à dos n’est pas à proprement parler un matériel de progression. Mais quand même : il faut au moins qu’il soit approprié pour ne pas la contrecarrer. Pour un raid en itinérance, il faut porter 15 à 30 kilos, il faut un sac qui soit à la fois vaste (il faut au minimum 60 l pour tout mettre) et confortable (pour ne pas faire trop mal aux épaules et au dos à la longue). A chacun de faire ses essais.
La corde
Emporter un rappel est une nécessité de sécurité en montagne, s’il n’y a pas de passages de rocher technique un rappel de 50 mètres peut suffire. Lorsque l’on progresse à deux cordées, il peut être intéressant d’emmener deux cordes fines (7 mm x 40 m, par exemple), largement suffisantes pour une progression sur glacier ou en terrain montagne, qui peuvent être attachées ensemble pour reconstituer un rappel long pour un poids par cordée très inférieur à un rappel de 80 mètres. On gagne pas mal de kilos, et je n’ai jamais eu de problèmes jusqu’à aujourd’hui.
Le reste
C’est le matériel ordinaire du terrain montagne : piolet, crampons, un baudrier-sangle (c’est plus léger) complet (éviter les baudriers d’escalade, en cas de chute le poids du sac à dos fait passer cul par dessus tête)
Ajouter à la liste ordinaire :
- une sangle et deux mousquetons par personne, qui permettent d’attacher le sac à dos au baudrier, et de l’enlever sans le perdre à jamais en cas de chute dans une crevasse.
- Deux cordelettes et deux mousquetons pour les premier et dernier de cordée (permettent de confectionner les mouflages ou les étriers pour sortir d’une crevasse…
Pour plus de précision sur l’utilisation de ce matériel, voir l’encordement, et tout ce qui concerne la chute en crevasse.
Progression sur terrain glaciaire peu pentu
En terrain glaciaire peu pentu, on risque peu de glisser dans la pente, on ne risque à priori pas de se prendre une pierre sur le crâne. Le risque principal est la chute dans une crevasse. Tous les comportements individuels et collectifs doivent être adaptés pour limiter ce risque. Voici quelques règles incontournables à respecter.
Règle n°0 : l’encordement doit être adapté. Le fait d’avoir un gros sac sur le dos engendre quelques contraintes supplémentaires. Voir à ce sujet la rubrique encordement.
Règle n°1 : la corde est toujours tendue entre tous les membres de la cordée. Dans l’idéal elle ne doit pas toucher terre.
En cordée de 2 ce résultat est facile à obtenir si l’une des deux personnes joue un rôle de chef de cordée et adapte sa vitesse à son second. En cordées de 3 et plus, cela nécessite un accord parfait des vitesses de progression des membres de la cordée. Ce résultat peut être atteint avec un peu d’habitude. Chacun doit :
- ralentir dès que la corde de devant touche terre
- tenir avec la main la corde de derrière légèrement écartée le long du corps, pour bien sentir si elle se tend. Dès que c’est le cas, il faut ralentir.
Règle n°2 : jamais d’anneaux de corde à la main. Je sais, c’est tellement pratique d’avoir quelques anneaux de corde à la main pour ne pas se prendre les pieds dedans. Mais il faut savoir qu’en cas de chute dans une crevasse, le choc arrachera les anneaux de la main de la personne qui les tient. La personne qui tombe prendra de la vitesse sur la hauteur correspondant à la longueur des anneaux arrachés et lorsque la corde se tendra le choc sera impossible à retenir.
Dites vous donc une bonne chose : si la corde est correctement tendue entre tous les membres de la cordée (voir règle précédente) il n’y a absolument aucune raison de vous prendre les pieds dedans.
Règle n°3 : Pour franchir les crevasses, positionner la cordée le plus perpendiculairement possible à la crevasse. Une cordée parallèle à une crevasse ne permettra pas de retenir une chute avant plusieurs mètres, augmentant les risques pour les autres membres de la cordée.
Si ce positionnement est respecté, la personne qui passera dans la crevasse aura à peine l’occasion de parcourir quelques décimètres avant d’être stoppée.
Progression sur arête
Le risque principal sur une arête, c’est la chute dans la pente. Il faut bien se rendre compte que :
- compte tenu de la position horizontale de la cordée, toute chute sera très difficile à enrayer car la personne qui tombe chutera sur une distance non négligeable avant que la corde se tende et commence à la retenir
- si l’arête est rocheuse, la moindre chute aura des conséquences graves car… on tombe sur du rocher, et souvent du rocher acéré ou fracassé, qui plus est.
La philosophie de la progression en arête est donc celle-ci : il ne s’agit pas de stopper la chute, mais de l’empêcher purement et simplement.
La légende de la montagne raconte que sur une arête, si une personne tombe à droite il faut que l’autre saute à gauche pour la retenir. C’est une manœuvre à laquelle je ne me risquerais pas sur une arête rocheuse sous peine d’en sortir aussi cassé que mon vieux train électrique. Je peux à la rigueur imaginer de procéder comme ça sur une arête neigeuse, mais je ne suis pas pressé.
Progression sur les arêtes « faciles »
Par « facile », j’entends un terrain sur lequel le premier de cordée se sent suffisamment à l’aise pour ne pas avoir besoin de s’assurer lui-même.
Règle n°1 : on réduit la longueur d’encordement à 1 m (si, si) en faisant des anneaux de corde à la main, ce qui permet à chacun d’assurer les pas de la personne qui la précède en tenant fermement cette corde.
Règle n°2 : … pas de règle n°2, je crois.
A partir de là, tout est affaire de doigté : une cordée habituée à la progression en arête peut être énormément plus rapide qu’une cordée peu aguerrie, qui essaiera de poser des points partout…
Quelques conseils :
- Dans les passages délicats, tant que l’on peut rester debout il est conseillé de se tenir carrément par le baudrier, comme une ronde enfantine !
- Si la progression debout est trop scabreuse, on peut progresser à califourchon sur le rocher ou la neige.
- Une arête est rarement horizontale. Dans les passages à forte pente (montante ou descendante), on peut repasser en progression plus classique, durant laquelle le premier est en haut et le second en bas (voir Progression en terrain montagne).
Progression sur les arêtes « difficiles »
Dans ces terrains plus escarpés, pentus, instables, le premier de cordée doit envisager de protéger sa propre chute. Il n’est plus question de progresser en pure « cordée volante » comme dans le cs précédent. C’est un cas complexe, sans règle générale car les configurations d’arêtes sont d’une diversité infinie et chaque cas devra être évalué sur le terrain. D’une manière générale, la démarche consiste à s’encorder plus long (10 à 15 mètres) et à faire passer la corde dans tous les accidents du terrain qui pourront la bloquer en cas de chute (fissure, becquet…) et à sinuer de part et d’autre de tous les micro-reliefs de l’arête pour que la chute éventuelle soit la plus courte possible, et que le voisin de cordée n’ait pas à supporter lui-même la totalité de la traction de la corde en cas de chute.
Donc, pas de secret… il faut pratiquer, en commençant par des endroits faciles, bien sûr.
Progression sur « Terrain montagne »
Le « terrain montagne » est un terrain rocheux de mauvaise qualité dans lequel la progression ne mérite pas encore l’appellation « escalade », mais n’est plus tout à fait de la marche. Il faut mettre les mains régulièrement mais on peut souvent marcher debout, il y a des cailloux qui tombent, il faut chercher sans cesse le meilleur itinéraire…
Dans la plupart des courses en terrain rocheux de difficulté facile, c’est le type de terrain le plus fréquent. Etre à l’aise dessus est donc un gage de rapidité et de sécurité.
Sur ce type de terrain, on est exposés à 2 risques principaux :
- le risque de chute. Il est faible, mais a immédiatement des conséquences graves car on s’y fait mal. Il faut donc comme sur les arêtes empêcher la chute à tout prix plutôt que la rattraper (si on y arrive !).
- le risque de chute de pierre, qui peuvent tomber d’elles-mêmes, être entraînées par une cordée plus élevée, ou tout simplement être entraînées par une personne située plus haut sur la même cordée.
Les conseils qui suivent ont pour objectif de minimiser ces deux risques.
Règle n°1 : Constituer des petites cordées : 2,3 personnes au maximum. Au delà, les aléas du terrain, la corde qui traine… font que la cordée se transforme en un véritable escargot.
Règle n°2 : Progresser très proche les uns des autres (1 à 2 m) chaque fois que c’est possible, pour éviter que les pierres qui tombent prennent de la vitesse avant de s’écraser sur la tête du suivant.
Règle n°3 : prendre des anneaux de corde à la main. Le risque de chute n’existe généralement que dans les passages les plus raides, qui peuvent être assez courts. L’essentiel de la progression peut souvent se faire en marchant tous au même rythme, séparés par une courte distance. Chacun prend cependant à la main des anneaux sur la corde qui part vers l’arrière, et essaie de bien sentir la présence de son coéquipier de derrière. Ces anneaux apporteront la souplesse nécessaire en cas de difficulté plus importante (voir ci-dessous).
Règle n°4 : en cas de difficulté technique, chacun assure son suivant. Lorsque le premier de cordée arrive au pied d’une difficulté, il dit « stop », jette ses anneaux, passe la difficulté, et assure le suivant qui fait de même. L’assurance ne nécessite généralement pas de relais. Elle peut se faire en passant la corde autour d’un rocher, voire même en la faisant frotter sur un rocher. Chacun reconstitue ses anneaux au fur et à mesure de la progression du suivant, et la progression peut reprendre.
Règle n°5 : jamais plus d’une personne à la fois dans une difficulté. Si l’une glisse l’autre ne pourra pas la retenir et fera, elle, une vraie chute. Ce cas de figure nécessite une vraie assurance sur relais, capable de retenir le poids de 2 personnes. La corde doit alors être très tendue entre le relais et les 2 personnes.
Règle n°6 : le chef de cordée est toujours vers le haut. A la montée il est donc en premier, à la descente il est en dernier.
Règle n°7 : si vous avez un casque c’est le moment de le mettre ! Le terrain montagne est particulièrement propice aux chutes de pierre : la corde en déloge mais tout simplement le rocher n’est pas bon et y est naturellement sujet. Personnellement je n’emmène jamais de casque, je trouve que ça gâche une bonne partie du plaisir. Mais il m’arrive de le regretter, et il n’est pas impossible qu’un jour je le regrette tellement que je n’en revienne pas… mais bon.
Progression sur pentes de neige fortes
Dans les pentes de neige relativement raides, en général il n’y a pas de crevasses. Le risque principal sur ce genre de terrain est donc tout simplement la glissade. Retenez tout d’abord que le principe général est de prévenir la chute, plutôt que de l’enrayer. Prévenir la chute d’un second, lorsque la corde est bien tendue, peut se faire sans effort avec une main. Retenir un corps qui glisse depuis plusieurs mètres et a pris de la vitesse nécessite au minimum un violent effort (qui n’est pas sûr de porter ses fruits), au mieux un relais solide.
Il existe deux méthodes principales de progression sur pente raide, il faudra choisir la meilleure en fonction de la pente et la qualité de la neige.
En pentes moyennes et si la neige est sécurisante (on s’y enfonce bien, elle tient correctement) on peut se permettre de progresser tous ensemble, sans faire de relais. Cela implique bien sûr que le premier de cordée a suffisamment de pratique pour gérer à la fois sa propre progression dans ce terrain et la sécurité des personnes qui le suivent.
Si la progression se fait dans le fil de la pente, la distance d’encordement n’a pas beaucoup d’importance. Par contre, en traversée, il faut impérativement s’encorder très courts (par exemple 1 m 50) pour éviter une glissade en traversée.
Les grandes longueurs de corde sont éventuellement autorisées seulement lorsque les membres de la cordée sont à l’aplomb les uns des autres.
En pente forte ou si la neige n’est pas sécurisante (elle est très dure, on s’y enfonce très peu, ou elle tient mal sur la pente), il faudra se résoudre à tirer des longueurs. L’assurance se fera alors :
- sur broche à glace (au moins 2) s’il y a une sous-couche de glace solide
- sur pieu à neige ou corps mort (par exemple avec le piolet) s’il y a une couche de neige dure. Attention à ces techniques qui ne peuvent pas supporter de choc, il n’est donc à priori pas souhaitable d’utiliser cette technique pour assurer son premier de cordée. Elles suffisent par contre largement pour assurer un second.
Si le relais est solide, on peut faire monter plusieurs personnes à la fois en leur demandant de progresser avec la corde extrêmement tendue entre eux.
Progression en terrain technique
Par terrain technique on entend ici nécessitant une escalade, soit rocheuse soit glaciaire. Habituellement, la progression sur ce genre de terrain se fait en effectuant des longueurs et des relais :
- le premier de cordée monte seul en posant des points d’assurance et en étant assuré d’en bas par son second
- une fois arrivé à bout de corde, il installe un relais, c’est à dire un ensemble de points d’ancrage qui lui permettra de s’attacher et d’assurer correctement toute la cordée
- Il fait monter ses seconds en les assurant d’en haut
Il faut bien prendre conscience que ces pratiques ne sont possibles à une personne chargée de 20 à 30 kilos que si le passage est peu difficile, car le simple poids du sac rend impossible la traction sur une petite prise ou sur un piolet.
Disons arbitrairement (mais cela dépend évidemment des personnes) qu’au delà de 50 degrés en glace, ou du niveau III (hé oui, seulement !) en escalade, il n’est plus possible de progresser avec le sac sur le dos sans risque exagéré de chute, et de toute façon avec une grande fatigue.
Deux solutions s’offrent alors à vous :
- Choisir un autre itinéraire ! Il aurait d’ailleurs mieux valu le prévoir avant de partir !
- Effectuer les passages techniques sans les sacs et les tracter ensuite au bout d’une corde. Cette dernière méthode n’est envisageable que pour des passages courts (quelques mètres) car elle est longue et complexe à mettre en œuvre, surtout si l’on est nombreux.
Progresser sans visibilité
D’une manière générale, dans ce genre de circonstance soyez encore plus vigilants que d’habitude à la progression, à la bonne tenue de la corde, etc. C’est dans ces conditions un peu limite que l’incident est le plus vite arrivé (on songe avant tout à se sortir de là, et beaucoup moins à faire les gestes de sécurité) et qu’il est le plus lourd de conséquence car il sera moins pratique de réagir sans visibilité, et dans les cas les pires, aller chercher du secours ne sera pas forcément possible !
Deux cas de figure se présentent :
L’éventualité avait été prévue
Vous avez préparé l’éventualité d’une progression sans visibilité avant votre départ, et vous disposez donc d’une feuille de route qui décrit un itinéraire de sécurité. Il s’agit alors simplement de suivre cet itinéraire de sécurité. Ça ne sera certes pas très agréable, vous n’y verrez rien, vous angoisserez un peu, vous aurez froid… mais ça devrait se faire sans trop de problème.
Quelques conseils :
- Le meneur se place de préférence en fin de cordée. Il tient la boussole, lit la feuille de route et indique au premier de cordée la direction à prendre selon les azimuts à suivre. Essayez de gardée la cordée relativement droite, c’est le plus pratique pour mieux repérer la direction de progression.
- L’azimut doit être vérifié sans cesse (toutes les 20 à 30 secondes). Il est impressionnant de voir à quelle vitesse on dévie dès qu’on quitte la boussole des yeux.
- Si une trouée passagère de la nébulosité survient, profitez-en pour repérer à l’oeil vers quoi vous mène le segment de trajet en cours. Cela sera bien utile lors de chaque petite déchirure pour vérifier si on est bien dans les clous.
- Dès que vous arrivez à un point côté sur la carte, réétalonnez votre altimètre.
L’éventualité n’avait pas été prévue
Vous voilà donc sans visibilité, et sans idée précise de la trajectoire à suivre. Attention, délicat :
- Si vous êtes en terrain très simple, ou parfaitement connu, vous pouvez vous risquer à continuer la progression, en essayant d’exploiter au pied levé les indications de la carte et vos instruments. Essayez alors de mettre en pratique au mieux les règles concernant les itinéraires de sécurité. Mais ça risque d’être très fastidieux.
- Dans le cas contraire où le terrain est complexe, si quelque chose vous laisse penser que le manque de visibilité ne sera que passager, dans ce cas mieux vaut attendre sur place un moment.
- Si vous êtes en terrain complexe, et que de toute évidence le manque de visibilité va durer, vous êtes dans le pire des cas, évidemment. Il faut avancer, avancer coûte que coûte (ou selon le cas reculer, reculer…).
- Essayez déjà d’évaluer s’il vaut mieux rebrousser chemin, ou au contraire aller de l’avant, sortir au plus vite des difficultés, et retrouver un terrain plus facile pour redescendre.
- A partir de là, je n’ai pas grand conseil à donner. S’assurer de manière très vigilante, ne pas foncer trop vite dans la descente car il faudra peut-être remonter…
Évidemment, là les heureux possesseurs de tente sont avantagés : ils peuvent se permettre d’aller doucement, et de s’installer à l’abri quand ils n’ont plus le moral, ou quand ils ont besoin de se reposer !