Assemblée protestante du bois de l'Astune, le 7 septembre 1738
Le 7 septembre 1738, une assemblée est surprise au bois de l'Astunes, qui se trouve
sur le rebord sud-ouest de la can de l'Hospitalet, à quelques centaines de mètres
à vol d'oiseau du col de Marquaïres. Une cuvette permet de se cacher à la vue, et
le site permet la fuite vers les bois du Marquaïres ou la pente raide de la montagne
vers Rousses.
La manière dont l'assemblée fut découverte est singulière, et montre combien les
protestants prenaient peu de précautions pour se rendre au Désert en 1738. Le sergent
Jacques Dagouroux, dit « la Forge », de la compagnie de Choten, du régiment de Picardie, en garnison au Pompidou,
était à la messe au banc des consuls, vis-à-vis de la porte grande ouverte de l'église,
quand il vit, vers dix heures du matin, des petits groupes de personnes qui, se dit-il, «allaient à quelque assemblée
». A la sortie de la messe, le sergent prend quatre soldats, et se dirige avec eux
dans la direction prise par les petits groupes, en prenant bien soin de ne pas être
vus par ceux qui allaient à l'assemblée. Ils gravissent l'extrémité sud de la Can
de L'Hospitalet, du côté de la ferme des Crottes, et redescendent vers Rousses.
C'est alors que le sergent aperçoit, dans la haute vallée du bois de l' Astunes,
une assemblée de 2 000 personnes environ. Il s'avance en rampant, jusqu'à entendre
prêcher le pasteur. C'est à ce moment qu'il est aperçu par les sentinelles de l'assemblée.
Alors il appelle à la rescousse les quatre soldats du régiment de Picardie en criant:
« A moi, tue, tue!" Il tire un coup de fusil «qui fait tomber deux personnes". L'assemblée
s'enfuit en désordre. Mais une cinquantaine d'hommes se retournent en criant : «Ce
n'est rien, il n'y a qu'un seul homme, il faut l' écraser à coups de pierres! "
Au moment où le sergent est serré de près, les soldats arrivent en courant, sauvent
leur chef et mettent définitivement en déroute l'assemblée.
Quand le subdélégué Jean-Jacques
de Campredon (toujours lui!) arrive sur les lieux,
il constate les vestiges de l'assemblée : « la chaire du prédicant, faite avec des
pierres, beaucoup de crottes de chevaux ou de mulets, un sac plein d'oignons et
de haricots, deux mouchoirs et beaucoup de pierres arrangées pour s'asseoir".
Il n'y eut aucun prisonnier et aucune sanction individuelle. Par contre les paroisses
de Rousses, Fraissinet et Vébron furent condamnées à une amende collective de 510
livres, à payer par les nouveaux convertis, sauf ceux accomplissant depuis trois ans leur devoir pascal. L'assemblée de 1738 apparaît comme une assemblée entrée
dans les moeurs, se tenant dans un lieu discret mais habituel, avec tout un éventail
de fréquentation, y compris les propriétaires de chevaux et de mulets. Le Désert,
toujours à dominante populaire, commence à attirer les personnes aisées, enhardies
par la relative impunité des assemblées clandestines.
(hvc, p. 210)
|